1re partie Mélissa ouvre les volets de la fenêtre de sa chambre et soupire de bien-être. La journée s'annonce belle, même très belle. On est en plein mois de janvier et le ciel est non seulement bleu mais le soleil est aussi présent et très chaud. Malgré sa chaleur, elle frissonne. À chaque fois que la paix a gagné son cœur, un souvenir revient en elle, brisant cette paix et chassant son bien-être. Des larmes lui montent aux yeux. Comme toujours, depuis quelques mois, un sentiment de culpabilité vient étreindre son cœur. Lui n'est plus là. Il est parti pour ne plus jamais revenir. Nabil a été l'unique amour de sa vie. Certes, elle n'a que vingt-cinq ans, mais c'est le seul qui l'ait marquée dans son corps, dans son âme. Et c'était de sa faute s'il était parti et n'était plus jamais revenu. Nabil avait vingt-quatre ans. Il venait de terminer ses études en pharmacie. Il devait rejoindre les corps de l'armée mais il n'y avait pas répondu. Il ne voulait pas passer son service militaire, choisissant de vivre sur ses gardes, d'éviter la police, les barrages militaires. Et tout cela n'avait fait que provoquer des querelles entre les deux amoureux. Mélissa ne supportait pas qu'il vive comme un fugitif, qu'il refuse de faire son devoir. Pourquoi les autres passent-ils leur service militaire sans craindre pour leurs vies ? Certes, l'insécurité qui secoue le pays depuis quelques mois ne promet rien de bon. Mais qu'y avait-il de bon en jouant à cache-cache ? En ne pouvant pas travailler. En ne pouvant sortir ? Mélissa, qui n'en pouvait plus de cette situation où elle revoyait leur projet de mariage remis à plus tard, avait décidé de rompre. Rompre parce que sa vie allait être un enfer. Vivant chez son oncle paternel, elle avait été obligée d'accepter certaines conditions. Celle entre autres de ne pas sortir avec son fiancé jusqu'à ce qu'il ait fixé une date pour le mariage. Et Nabil ne pouvait alors se marier. Il ne travaillait pas et ses parents avaient plus urgent à projeter, avant de vouloir fêter leur mariage. S'ils s'étaient mariés, ils auraient été contraints de loger dans la salle de bain. Enfin, par amour, Mélissa aurait même logé dans une cave avec Nabil, mais celui-ci refusait de se marier tant qu'il sera en situation instable. Quand elle lui avait fait part de son envie de mettre fin à leurs fiançailles, le jeune homme s'était enfin décidé à aller au service national. Parce qu'il ne voulait pas la perdre. Et par malheur, elle l'avait perdu, trois mois après son départ. Leur caserne avait été attaquée de nuit. Il y avait eu une vingtaine de morts. Depuis la mort affreuse de son fiancé, Mélissa avait perdu goût à la vie. Elle était responsable de sa mort. Si elle ne l'avait pas poussé à effectuer son service national, il serait encore en vie. Même s'il aurait passé son temps à fuir, à se cacher, il aurait été encore en vie et c'était préférable à la mort. Et elle, elle n'avait pas trouvé mieux que de le jeter dans ses bras ! - Méli ! Méli ! La voix de sa mère la tire des sombres pensées. La porte qui s'ouvre derrière elle la contraint à se retourner. Sa mère Mounira a un soupir en comprenant à la vue des larmes de sa fille qu'elle est en train de penser à Nabil. Elle se dirige vers elle et pose un bras sur ses épaules encore tremblantes. - Par une si belle journée, tu ne crois pas que tu devrais penser à quelque chose de gai ? - Je ne peux pas, maman. À chaque événement heureux, à chaque belle chose de la vie, je me rappelle que si Nabil ne peut plus en profiter, c'est à cause de moi. Je m'en veux d'être encore là ! Je ne mérite pas d'être en vie. - Il était écrit qu'il mourrait en faisant son service et personne n'aurait pu y changer quelque chose. Tu dois te le mettre en tête ! Et la vie continue. A. K. (À suivre)