Résumé : Mélissa se culpabilise. Elle a forcé son fiancé à effectuer son service national. Il trouve la mort lors d'une attaque. Elle n'oublie pas. Un rien lui rappelle tout ce qu'il a raté par sa faute… 2eme partie -J'ai si mal à chaque fois que je pense à lui, lorsque quelque chose me le rappelle. Maman, je n'arriverai jamais à me pardonner le mal que je lui ai fait ! - Cesse de dire des sottises, Mélissa ! s'écrie sa mère en se mettant à la secouer. Reviens à la vie ! Tu n'as pas à te sentir coupable ! Les coupables dorment tranquilles et toi tu te tortures pour rien ! Il était écrit qu'il mourrait d'une main qui demeurera impunie ! Tu n'as rien fait de mal en voulant qu'il accomplisse son devoir ! Et les autres qui sont morts avec lui, c'est toi qui les a jetés dans les bras de la mort ? - Non, soupire Mélissa. - Alors reviens à toi ! Reviens à la vie. Le temps ne s'est pas arrêté et la vie continue. Tu vois ce soleil ? N'est-ce pas une belle journée ? N'est-il pas temps pour toi de renaître à la vie ? La jeune fille éclate en sanglots et se laisse aller contre l'épaule de sa mère qui pleure aussi. Elle a mal pour sa fille. Depuis la mort de Nabil, Mélissa, de douleur, avait tout abandonné, son travail, ses amis. Elle s'était enfermée dans la solitude, comme on s'enferme dans un cercueil. Et Mounira trouve qu'il est temps pour sa fille de revenir à la vie. Elle n'était pas morte, seulement endormie par la douleur d'un deuil qui a trop longtemps duré. Il faut la réveiller, même si le réveil sera douloureux. Sinon, ils seraient coupables de sa mort lente. Deux ans de deuil suffisent. L'unique solution que Mounira trouve, après s'être concertée sur la question avec son mari, est de chasser le souvenir de Nabil de la maison. Dans chaque pièce, il y avait des photos de lui et des bibelots qu'il leur avait offerts, à l'occasion de certains déplacements dans le cadre de ses études. Ayant toujours été parmi les meilleurs, il avait eu souvent pour récompenses des voyages à l'intérieur du pays et aussi à l'étranger. Il avait pu voir la Belgique et la Turquie. Le lendemain, pendant que Mélissa dormait encore, sa mère en a profité pour enlever tout ce qui pouvait le lui rappeler. Elle avait aussi l'idée d'inviter sa fille Taouès et son mari à passer le week-end, avec eux. Tout cela pour leur demander d'emmener Mélissa quelques jours avec eux, s'il le fallait de force. Il fallait qu'elle sorte, qu'elle reprenne goût à la vie d'une façon ou d'une autre. Taouès et Mélissa s'étaient toujours bien entendues. Taouès est plus jeune de deux ans. Quand elle s'est marié avec Fouad, trois mois après la mort de Nabil, Mélissa lui en avait beaucoup voulu. Peut-être aurait-elle voulu qu'elle reste, le temps qu'elle se remette moralement de cette dure perte ? Ou, comme elle, que tous portent le deuil ? Personne n'aurait pu répondre à ces questions. En tout cas, tous s'attendent à une crise de sa part quand elle découvrira qu'on a enlevé tous les souvenirs de Nabil. Dès qu'elle sort de sa chambre, la surprise la fige. Le portrait de Nabil, accroché dans le couloir depuis sa mort, n'est plus là. - Maman ! Où est-il ? - Il n'est plus là, ma chère, répond sa mère, quand Mélissa la rejoint à la cuisine. Tu veux prendre ton petit-déjeuner ici ou sur le balcon ? Tout comme hier, la journée s'annonce très belle ! C'est le retour des beaux jours ! - Maman, tout ce qui appartenait à Nabil a été enlevé ! Pourquoi ? s'écrie Mélissa. - J'ai eu envie de chasser ce mauvais souvenir, dit Mounira, d'une voix claire, se refusant à s'émouvoir quand sa fille se met à pleurer. - Tu n'as pas le droit de parler ainsi de lui ! s'écrie Mélissa - Je ne dis pas de mal de lui. C'était quelqu'un de très bien, répond la mère. Seulement, je ne veux plus de ses photos et autres souvenirs de lui dans ma maison parce qu'avec ton deuil, j'ai l'impression que tu vis avec un fantôme et que tu refuses de te laisser aller uniquement parce qu'il y a ces choses qui le rappellent ! - Maman, il est… - Mounira prend sa fille dans ses bras quand elle éclate en sanglots. - Melissa, il était… - Il était tout pour moi, souffle la jeune fille. J'ai tout gâché, maman ! - Mais quand est-ce tu te mettras en tête que c'est une question de destin ? Mélissa, tu n'es pour rien dans sa mort ! Il faut oublier, ta vie ne s'est pas arrêtée le jour où il est mort. Sûrement que là où il est, il ne doit pas approuver ton attitude ! Je suis même sûre que s'il pouvait t'envoyer un message, il te dirait de vivre pleinement ta vie ! Il t'aimait. Il n'aurait pas supporté de te voir malheureuse ! - Je voudrais bien te croire, seulement, je me sens coupable de sa mort. - Mais qu'est-ce qu'il faut faire pour que tu retrouves la paix ? Pour que tu comprennes que tu n'y es pour rien ? l'interrompt sa mère, s'emportant. Et puis, Nabil n'est pas le seul homme ! Deux années de sommeil suffisent. Il est temps que tu te réveilles, que tu te prennes en charge. Tu ne peux pas toujours dépendre de moi et de ton père, nous sommes vieux et fatigués. J'aimerais bien mourir en paix en te sachant capable de t'assumer sans nous ! A. K. (À suivre)