C'est dans le cadre d'une tournée nationale que la coopérative Atelier El-Bahia d'Oran a fait une escale de deux jours à Béjaïa, au Théâtre régional Abdelmalek-Bouguermouh. Si la première représentation a attiré une centaine de spectateurs — ce qui satisfait plutôt les visiteurs —, la deuxième a été donnée devant une dizaine de personnes seulement. C'est l'éternel problème du théâtre algérien même si, pour cette fois-ci, on peut opposer à la défection du public la concurrence du Festival de la chanson et de la musique kabyles qui se déroule à la Maison de la culture. Chti'h oua rdih l'emporte toujours et de loin devant “la mère des arts”. Comme le titre de la pièce peut le suggérer, le thème deYamina est celui de la problématique de la femme et de ses droits, de son évolution sociopolitique. Le thème est éculé pourrait-on dire même s'il est toujours d'actualité et le sera encore pour longtemps. Il faudra donc autre chose que le discours sec pour faire passer le message, une approche théâtrale originale et “pédagogique” pour capter l'attention du public. C'est ce que la mise en scène de Mohamed Adar a réussi pleinement, aidé en cela par une scénographie — de Ali Hazati — sobre et efficace : des barres d'échafaudage qui se parent de fins rideaux aux tons pastel, qui se marient aux costumes. La mise en scène a le mérite de contourner les “clichés”, les gestes sont mesurés, les effets pas trop envahissants. Sur scène, un couple plutôt original : une femme et sa belle-mère ; point d'homme, si ce n'est une voix off et des mains invisibles qui agitent un rideau. Le symbole est fort et l'homme, exclu pourtant de la scène, pèse de tout son poids et du poids des traditions millénaires qui encore sévissent de nos jours. Notre homme, pourtant, docteur “universitaire”, conférencier quasi féministe mais qui, dans sa vie de tous les jours, au foyer, se comporte en conservateur, en harceleur moral et physique qui n'hésite pas à aller battre sa femme à qui il reproche de ne donner naissance qu'à des filles, trois filles sans aucun mâle pour assurer la continuité. Les comédiennes Wahiba Adnane, dans le rôle de Yamina, et Malika Youcef, dans celui de Chadlia, s'en tirent bien. On se demande toutefois quel est le rôle principal tant la présence de Malika Youcef est plus tonitruante, plus convaincante. Aidée certainement par un visage plus marqué, sculpté par l'âge, elle s'impose devant Wahiba Adnane qui, sans démériter, joue avec une certaine réserve que l'expérience va finir par effacer. La complémentarité des deux comédiennes est réussie. Les conflits intergénérationnel d'abord, puis combat d'idées et de positionnement vont alimenter la pièce : Chadlia représente la femme d'antan, dont la soumission va aller jusqu'à laver les pieds de son “sidi” et Yamina, la femme actuelle qui désire se libérer du mal mâle.