Les transactions immobilières ont chuté de 80% en 2009. Les prix des villas et des appartements à la vente et à la location ont baissé respectivement de 40 et 30%. La tendance se poursuivra, selon la Fédération nationale des agences immobilières, mais sans que le marché se stabilise sur la valeur réelle des biens, exagérément surévalués. La crise financière a affecté, en premier lieu, le marché de l'immobilier international. Dans tous les pays, les prix des appartements et des villas ont diminué considérablement en 2008 et 2009. Les experts prévoient la poursuite de la tendance baissière jusqu'à 2011, au moins. Pourtant, les prix des biens immobiliers, en Algérie, semblent se maintenir à des cimes très élevées. Un coup d'œil rapide dans la rubrique des petites annonces des journaux nationaux montre la face apparente d'un secteur où la spéculation est érigée en mot d'ordre. Les prix des F3 varient entre 6 millions et plus 10 millions de dinars. Les F4 et F5 sont proposés à plus de deux milliards de centimes. Les prix des maisons individuelles s'envolent à partir de 10 milliards de centimes. “Les prix affichés dans les annonces de journaux ne sont pas les vrais prix de vente. Les biens sont cédés, finalement, à 30 ou 40% moins cher” soutient Hakim Aouidat, vice-président de la Fédération nationale des agences immobilières. Il précise, néanmoins, que ce n'est point là uniquement une incidence de la déstabilisation du système financier international. Le marché immobilier algérien est régi par des paramètres qui ne s'assimilent souvent pas aux règles économiques. “De 2003 à 2008, les prix ont triplé. Pourquoi ? Personne ne pourra le dire, sauf que la folie des prix a été induite par un marché livré à lui-même pendant la période du terrorisme”, poursuit notre interlocuteur. Pendant ces années-là, est apparue une catégorie d'acheteurs qui a fait grimper démesurément les valeurs des transactions immobilières. On achetait à n'importe quel prix, à telle enseigne que ce phénomène a suscité une grosse présomption sur l'existence d'une filière de blanchiment d'argent sale dans l'immobilier. Une thèse qu'il est certes difficile de corroborer sans preuves probantes. Les entreprises internationales installées en Algérie, ont créé, pour leur part, un marché locatif lucratif. Des villas et des appartements standing, dans les quartiers chics comme Hydra ou Dely-Brahim se louaient à des centaines de milliers de dinars. L'effet boule de neige a fonctionné sur les quartiers de moindre standing où les prix ont dès lors commencé à suivre une courbe ascendante. La conjoncture se profile actuellement sous des aspects très différents. La demande est présentée désormais par des primo-accédants à la propriété immobilière, c'est-à-dire les ménages (généralement de jeunes couples avec un ou deux enfants) aux revenus moyens (entre 80 000 et 120 000 dinars par mois). N'étant pas éligibles au logement aidé, ni à un crédit bancaire supérieur à 6 millions de dinars, ils prennent l'option d'attendre que les prix fléchissent afin de payer leur acquisition moins cher. Ils investissent, transitoirement, la location. De l'autre côté, les propriétaires ne suivent pas systématiquement les cours du marché. Ils préfèrent laisser leurs biens fermés plutôt que de les céder à des montants inférieurs à ceux qu'ils envisageaient d'engranger. Cette distorsion entre l'offre et la demande risque de perdurer longtemps encore. “Nous ne pouvons plus faire le rapprochement entre les vendeurs et les acheteurs potentiels” reconnaît M. Aouidat. Conséquence, les transactions immobilières ont chuté, en 2009, de l'ordre de 80% par rapport aux années précédentes. Une situation catastrophique pour les gens du métier. “Contrairement à ce que les gens pensent, la hausse des prix n'arrangent pas les agences immobilières. Il est plus rentable, pour nous, de vendre 100 appartements à prix bas plutôt que trois à prix fort” explique-t-il. Il faut savoir aussi que la crise financière s'est répercutée par une coupe importante dans le budget des multinationales, installées dans le pays. Du coup, les directions de ces entreprises étrangères, ainsi que les chancelleries étrangères revoient à la baisse l'enveloppe consacrée à la location d'appartement ou de villas au profit de leurs expatriés. “La vente a baissé en moyenne de 30% et la location de 40% sur les biens à grande valeur. Cela fera tâche d'huile sur les propriétés de moindre standing” indique le vice-président de la Fédération nationale des agences immobilières. “Les propriétaires doivent comprendre que le temps des affaires est révolu. Le marché va se réguler naturellement, même si nous ne reviendrons jamais à sa valeur réelle” confesse-t-il. Pour l'heure, l'ouïe-dire domine le marché. Un tel veut vendre son bien au même montant, voire à une valeur supérieure, de l'appartement ou la maison du voisin. Pourtant les professionnels attestent que deux appartements se faisant face sur un même palier n'ont pas automatiquement une valeur marchande équivalente. Les différences apparaissent au niveau de l'orientation des façades (ensoleillées ou pas) et de l'entretien de l'habitation. L'idéal serait l'établissement d'un baromètre de l'immobilier qui fixerait les véritables prix, ville par ville et quartier par quartier. Cela ne sera possible que si des techniciens sont formés à l'évaluation des biens suivant des paramètres standard. Pour M. Aouidat, il est impératif aussi d'impliquer tous les professionnels intervenant dans le domaine, pour reprendre en main un marché immobilier sauvage. “Nous avons lancé, en 2000, des formations d'agents immobiliers avec la contribution du ministère de la Formation professionnelle. Nous avons tenté de moraliser et de réguler la profession. Le décret exécutif relatif à l'organisation du métier d'agences immobilier a tout remis en cause”, regrette notre interlocuteur. L'article 40 dudit texte stipule qu'un agent immobilier, qui n'a pas un niveau d'instruction élevé doit s'associer obligatoirement avec une personne titulaire d'un diplôme de l'enseignement supérieur, dans le domaine juridique, économique, commercial ou comptable. Un délai de six mois, à partir de la date de promulgation du texte de loi, est accordé aux gens de la profession pour se mettre en conformité avec les nouvelles dispositions. 6 200 agents immobiliers exercent sur l'ensemble du territoire national. La majorité d'entre-eux sont touchés par l'énoncé de l'article 40. “Nous sommes les initiateurs du projet de décret. C'est nous qui avons commencé à assainir nos rangs. Mais là, nous entreprenons des démarches pour faire annuler l'article 40 du décret exécutif” souligne enfin le vice-président de la Fédération nationale des agences immobilières.