Abdelkrim Tazaroute a posé beaucoup de questions à El Hachemi Guerouabi lors d'une interview réalisée au milieu des années 1980. « C'est un livre que tu veux écrire », avait lancé le maître du châabi sans avoir de réponse. « La rencontre fut pour ainsi dire un déclic », écrit le journaliste dans la présentation de Guerouabi ou le triomphe du chaâbi, paru aux éditions ANEP. Le livre déjà édité en langue arabe aux éditions Colors et à la faveur de « Alger, capitale de la culture arabe » en 2007 a donc été repris et enrichi par l'auteur. « Je me suis appliqué à ne m'intéresser qu'au phénomène Guerouabi dans la sphère de la chanson algérienne, tout en m'interdisant toute incursion dans la vie privée de l'artiste », a-t-il prévenu. Pour lui, la seule évocation de Guerouabi restitue un pan entier de l'histoire du chaâbi, de la musique algérienne et de la modernisation de la chanson populaire. « Guerouabi a effectivement osé bousculer l'ordre établi. Il a innové en prenant la liberté qui sied à tout artiste digne de ce nom, en procédant à un lifting du châabi, une musique au statut si particulier », a relevé Abdelkrim Tazaroute, lui même musicien. Il a rappelé que la rencontre de l'auteur de Megouani Sahrane avec le compositeur et parolier Mahboub Bati a été pour beaucoup dans le succès du chanteur. « Le résultat fut instantané et l'impact des chansons générées par ce duo unique était tel qu'il a fortement contrarié ceux qui ont prédit un cuisant échec à l'option modernisation du châabi », a observé l'auteur. Il a rappelé que « les puristes » ou « les conservateurs » avaient — bien entendu — crié au scandale et de vouloir défendre « le cercle fermé des irréductibles du chaâbi ». « Guerouabi a eu le malheur de débarquer dans la sphère chaâbi en trublion, la fleur aux dents, avec ses idées, son style, sa voix », a-t-il noté. Guerouabi devait mener des combats sur plusieurs fronts et « lever » les frontières. « Aucun visa dûment signé par un parrain n'est exigé pour aller humer l'air de la sphère musicale châabi », a insisté l'auteur qui a connu le chanteur lors d'une soirée de mariage à Aïn Naâdja. Depuis El Bareh, phénoménal succès de Guerouabi dans les années 1970, l'artiste a pris définitivement son envol. « Si Guerouabi a eu dès son jeune âge comme modèle le cheikh El Hadj M'Rizek, il ne tardera pas à s'imposer avec son propre style. (...) Nombreux sont actuellement des chanteurs connus qui se revendiquent de l'école El Hachemaouia, sans que Guerouabi, contrairement à El Anka, ait eu à diriger une classe de chant et à professer son art », a relevé Abdelkrim Tazaroute. L'auteur a repris les confessions de plusieurs artistes tels que Boudjemaâ El Ankis, Noubli Fadel, Mohamed Lamari et Abdelkader Tadjer sur Guerouabi. Il est revenu sur son dernier concert, en juillet 2005 à Alger, après plus d'une année d'absence pour raisons de santé. « Le récital est entamé dans une ambiance de chaleureuses retrouvailles, In Qarabou ah ! La voix de Guerouabi est imposante, grave et juste. (...) Inoubliable soirée. El Hachemi salue son public et le remercie : “katar khirkoum” », a écrit le journaliste. Admirative, Khalida Toumi, ministre de la Culture, écrit dans la préface : « Son nom est prestigieux, son allure élégante, son sourire séduisant. Il dégageait une sorte d'harmonie paisible soutenue par une grande part de mystère que confortait son peu de volubilité. » Les lecteurs peuvent apprécier la lecture de deux qacidate, Lyoum El Djemâa de Mebarek Soussi et Haraz Aouicha de El Mekki Benhadji El Korchi, publiées en intégralité à la fin du livre.