L'état de santé du président nigérian Umaru Yar'Adua, hospitalisé depuis deux semaines en Arabie Saoudite, fait l'objet d'une vive polémique au Nigeria. Umaru Yar'Adua, sexagénaire, avec une santé fragile — et reconnue depuis plusieurs années — s'est rendu en Arabie Saoudite le 23 novembre pour raisons médicales. Il est soigné à l'hôpital King Fayçal de Djeddah, pour une péricardite aiguë (une inflammation de la membrane entourant le cœur). Depuis l'annonce, Abuja, la capitale nigériane, vit la polémique et les déclarations répétées du gouvernement affirmant que le président répond positivement au traitement ne suffisent pas à rassurer, surtout que le numéro un nigérian n'a été ni entendu ni vu depuis plus de deux semaines. La famille du Président, à qui des journaux ont prêté des pressions sur celui-ci pour qu'il démissionne et se consacre entièrement à sa propre santé, envisage de porter plainte contre les rédacteurs de ces informations. La mère du Président, contrairement à ce que rapportent les médias, est sortie de sa réserve pour clamer son soutien au combat politique de son fils président, affirmant qu'elle l'a toujours encouragé à rendre des services désintéressés au bon peuple nigérian. Interpellé, le Sénat se dit défavorable pour le constat de la vacance du pouvoir pour raison de santé. Pour les analystes politiques locaux, au-delà de l'état de santé du Président, c'est le délicat équilibre entre le Nord musulman et le Sud chrétien qui risque d'être en jeu dans les mois à venir. Une situation que voulait probablement éviter le Conseil de cabinet. Réuni la semaine dernière, il a exclu tout départ de la présidence d'Umaru Yar'Adua, annonçant qu'il n'y avait pas de base pour invoquer l'article 144 de la Constitution qui traite de la vacance du pouvoir et des mesures à prendre au cas où. Selon ses dispositions, la vacance pour maladie ne peut être constatée que par les affirmations confirmées du médecin du Président et d'un médecin neutre qui en l'occurrence est le médecin traitant. Dans le cas où l'incapacité est avérée, le Sénat est saisi et c'est lui qui constatera officiellement la vacance. Troisième personnage de l'Etat, le président du Sénat, le général en retraite David Mark a justement de son côté exclu de mettre sur pied une commission pour juger de la capacité du Président à assumer ses fonctions. Officiellement, le Président répond favorablement aux traitements qui lui sont administrés. Musulman du Nord et alors gouverneur de l'Etat de Katsina, Umaru Yar'Adua a succédé au chrétien Olusegun Obasanjo qui était resté au pouvoir huit ans. Au terme de son mandat, il souhaitait, au prix d'une révision de la Constitution qui limite la présidence à deux quinquennats successifs, obtenir un troisième mandat, mais il en a été empêché par le Parlement et des pressions internationales. Il a donc rendu le pouvoir au Nord musulman, mais en imposant le gouverneur Yar'Adua, alors peu connu et à la mauvaise santé reconnue. Or, en cas de vacance, c'est l'actuel vice-président Goodluck Jonathan, un chrétien du Sud, qui assurerait la fin du mandat présidentiel jusqu'en avril 2011, aux termes de la Constitution qui est d'inspiration américaine. Une situation qu'au Nord on accepterait difficilement, le Sud ayant à leurs yeux dirigé trop longtemps. L'enjeu pourrait être énorme dans une fédération encore peu solide de 150 millions d'habitants, riche en pétrole et qui en un demi-siècle d'indépendance a connu 8 coups d'Etat militaire, près de 30 ans de régimes militaires et une brutale guerre civile de 3 ans. Le tout sur fond de récurrentes rivalités ethniques et religieuses.