En une année d'exercice, le Conseil de la nation a animé dix-huit plénières, dont quatre ont été consacrées aux séances d'ouverture et de clôture des sessions parlementaires de printemps et d'automne et six aux questions orales. Il a adopté huit textes de loi. Maigre moisson pour une institution dotée d'un budget faramineux. Cela fait des années que le Conseil de la nation ne fait plus l'événement médiatique. La dernière fois que l'opinion publique nationale attendait de ses membres une position tranchée sur l'amendement, introduit par un député de la mouvance islamiste (El-Islah) sur l'interdiction de l'importation des boissons alcoolisées dans le projet de loi de finances pour 2004, elle a été bien déçue. Les sénateurs, après avoir entretenu le doute quelques jours, ont suivi sans coup férir le vote positif sur ledit amendement de leurs collègues de l'APN. Désormais, chaque trois ans à la fin du mois de décembre, l'opération de renouvellement de la moitié des membres de la 2e Chambre du Parlement s'incruste, pendant quelques jours, dans l'actualité. C'est particulièrement le cas pour cette fin 2009. Le collège des grands électeurs, formé par les élus APC et APW, a été convoqué, par décret présidentiel, pour ce 29 décembre, pour élire, parmi leurs pairs, le titulaire de 48 sièges libérés, à raison d'un siège par circonscription électorale. Cinq partis s'engagent dans la course électorale (FLN, RND, MSP, FNA, RCD). Des échos, parvenus des wilayas, font état de batailles féroces pour passer les mailles des primaires et devenir le candidat du parti. Selon certaines indiscrétions, des prétendants à la candidature dépensent des sommes importantes pour acheter les voix de leurs collègues ou soudoyer les responsables locaux du parti. D'autres font jouer leurs connaissances pour être avantagés dans le choix final du candidat officiel de la formation politique. Les responsables nationaux du parti, notamment le FLN et le RND, saisissent également l'occasion pour garantir à leurs poulains, le temps d'un mandat de six ans, une retraite dorée. Passé l'étape des primaires, les partis, en lice pour les 48 sièges d'élus au Sénat, se cherchent des alliances à même de leur assurer la victoire. Ainsi, si le FLN ne compter, le 29 décembre prochain, que sur ses élus, en espérant préserver sa majorité dans la Chambre haute, le RND a réussi la prouesse de s'adjuger les voix des élus du Parti des travailleurs, dans la perspective d'améliorer son score et réoccuper une position plus confortable dans l'institution parlementaire. Tandis que le MSP tente tant bien que mal de glaner les votes des partis de la mouvance islamiste, le RCD et le FNA cavalent seuls dans les wilayas où ils ont des chances de gagner l'élection. Une effervescence similaire règne du côté des personnalités susceptibles d'être désignées par le président de la République dans le quota du tiers bloquant (24 sièges à pourvoir). En définitive, l'importance du Conseil de la nation, au regard de beaucoup de constitutionnalistes, d'anciens parlementaires ou même de simples citoyens, se résume aux ambitions de quelques privilégiés à accéder à un statut, convoité surtout pour ses avantages financiers (salaire avoisinant les 300 000 dinars pour un sénateur sans aucune responsabilité au sein de l'institution, des voyages, des crédits sans intérêt…). Sinon, dépourvu de prérogatives importantes, à part celle de valider le vote de l'Assemblée populaire nationale sur des projets de loi, initiées majoritairement par le gouvernement, le Conseil de la nation ne joue plus — ou très peu — un rôle déterminant dans la hiérarchie institutionnelle du pays. En onze ans d'existence, il n'a bloqué que quatre projets de loi, et encore sur instigation de cercles de décision (projet de loi sur les sociétés de gardiennage privées, le statut du parlementaire…). Il a brillé, aussi, à l'époque où le défunt Bachir Boumaza, alors président de la deuxième Chambre parlementaire, résistait aux velléités du chef de l'Etat, Abdelaziz Bouteflika, de l'éjecter de son poste de deuxième personnage de l'Etat et mettre à sa place un proche, en l'occurrence Mohamed-Cherif Messâadia. Il a fini par quitter, néanmoins, l'institution avant la fin de son mandat, en violation flagrante des dispositions constitutionnelles. À vrai dire, en une décennie d'exercice, le Conseil de la nation n'a, à aucun moment, justifié sa création par l'article 92 de la Constitution de 1996. Echaudés, à cette date-là, par l'expérience de la victoire du FIS dissous au premier tour des législatives de 1991 et par le terrorisme qui menaçait l'existence de la République, les constitutionnalistes, sur impulsion du président Liamine Zeroual et autres tenants du pouvoir, ont pensé à instituer le bicaméralisme en Algérie avec la spécificité de donner au chef de l'Etat le pouvoir de désigner un tiers de la composante de la deuxième Chambre parlementaire. L'idée était de se prémunir contre un éventuel envahissement de l'APN par des intégristes, en mettant en place un écueil contre l'adoption de lois antidémocratiques. Il n'en demeure pas moins que les islamistes radicaux ont été neutralisés avant que l'institution ne prouve son efficacité quant à la mission qu'on lui a confiée. Actuellement, le Conseil de la nation ne sert plus qu'à “composter” les textes de loi votés par l'APN, pour reprendre la conclusion de Seddik Chiheb, un ancien sénateur élu RND, et “à placer les amis des chefs par élection ou désignation”, pour paraphraser un autre ancien membre de l'institution, Me Mokrane Aït Larbi, en l'occurrence.