C'est bien une curieuse affaire qui est jugée depuis le 20 décembre 2009, et reportée pour hier, au tribunal d'Alger. Une jeune fille, A. N., est accusée de faux et usage de faux et sa mère, B. K., de complicité dans une affaire de faux diplôme du baccalauréat. Ladite affaire remonte à 2007, lorsqu'une mère de deux jumeaux, une fille et un garçon qui ont échoué à l'examen du baccalauréat, décide de faire un recours pour consulter les copies de ses enfants. Après délibération, la commission de l'Office du bac a trouvé une erreur dans la copie d'anglais de la fille. La faute corrigée, la fille a obtenu son attestation de succès, et a entrepris des études de droit, à la faculté de Ben Aknoun, à Alger. Deux ans plus tard, l'administration de la faculté la renvoie et l'accuse d'avoir présenté une fausse attestation du bac. Devant cette situation, la mère, affolée, n'a pas su à quel saint se vouer. Le ministère de l'Enseignement supérieur déclenche une enquête suite aux plaintes de la mère. Ironie du sort. Alors qu'elles étaient victimes jusque-là, la mère et la fille se retrouvent accusées de falsification et d'usage de faux. Le procès n'a débuté que depuis deux semaines (l'affaire a été transférée à la justice en janvier 2009), et les différents acteurs ont été auditionnés devant le juge à la cour d'Alger, hier en fin d'après-midi. La première à passer devant le juge était la mère. Cette veuve a expliqué dans le détail son rôle dans cette histoire. La gorge serrée et d'une voix tremblante, Mme B. K. a raconté sa version des faits. “L'histoire remonte à 2006, je voulais faire changer de lycée à mes enfants qui ont échoué au bac. Le directeur de l'établissement a refusé ma demande de transfert. Voyant que plusieurs autres parents ont eu un avis favorable pour le transfert de leurs enfants, je me suis adressée à la direction de l'académie de Bordj El-Bahri. Là, je rencontre le chef de service. Un jour, me voyant faire régulièrement le va-et-vient, il me crie au visage : vous n'avez pas un mari pour s'occuper de cette affaire ? Là, je lui explique que je suis veuve. Face à cette situation, il promet de m'aider. Il prend mes coordonnées, mais il n'a rien fait”, explique la dame. Elle poursuit sa narration : “une année est passée. Nous sommes en 2007, les petits avaient encore échoué au bac. Par ailleurs, pour cette fois, la fille se plaignait de la note obtenue en anglais et le garçon des notes obtenues en sciences et physique. J'ai décidé de faire un recours.” La lettre rédigée, Mme B. K. se dirige vers l'académie pour déposer le recours. Une fois là-bas, selon ses dires, elle rencontre par le plus grand des hasards le chef de service. La maman explique que le chef de service lui avait demandé les raisons de sa présence, la maman lui raconte. Ce responsable la rassure qu'il va s'occuper de son problème et qu'il va l'aider. Mme B. K. affirme que quelques jours plus tard, le chef de service la contacte. “Il m'a demandé de le retrouver le jour d'après au niveau de l'académie au Télemly. Je me suis présentée comme prévu au rendez-vous. Une fois arrivée sur les lieux grouillants de monde, nous sommes passés les premiers. Entrée dans un bureau, je trouve une personne assise en face de nous, je lui tends la lettre et je sors. Les deux hommes sont restés à discuter entre eux et puis on est parti, je n'ai jamais su le contenu de la conversation.” Elle continue : “près d'une dizaine de jours plus tard, le chef de service m'appelle et m'assure que ma fille a obtenu son bac. Là, je demande à savoir ce qu'il en est pour son frère. Il me répond : mais madame ce n'est pas tout le monde qui réussit au bac.” La fille fait son inscription normalement. Une autre année passe. Le frère échoue une troisième fois au bac. La maman certifie qu'un jour, en rentrant chez elle, elle trouve un homme qui l'attendait devant la porte de la maison. “Je lui demandais ce qu'il me voulait. La seule chose qu'il m'a dite : ton fils a réussi au bac, viens demain à dix heures au niveau de l'Office du bac à Kouba. Je me suis alors exécutée et là j'ai retrouvé le chef de service du pôle-est de l'académie qui m'a confirmé l'information”, rapporte Mme B. K. Quelques jours après cette rencontre, Mme B. K. reçoit un appel de ce chef de service pour une “étrange” requête. En fait, il lui a demandé de lui vendre sa maison, cette dernière étant hypothéquée. Mais Mme B. K. n'est pas au bout de ses surprises. Constatant que le relevé de notes de son fils tardait à être récupéré, elle contacte le chef de service qui la rassure. Elle recevra le relevé de notes, mais à sa grande surprise, elle s'aperçoit que le numéro d'inscription est le même que celui de sa sœur. Alarmée, la maman adresse un courrier au ministre de l'Enseignement supérieur, qu'elle lui remet en mains propres, selon elle. De son côté, la fille a relaté hier la même version devant le tribunal. Tard dans la soirée, l'affaire devait encore suivre son cours par l'audition d'autres inculpés et les plaidoiries des avocats.