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“Portrait éclaté”
LE DOCUMENTAIRE “AZIZ CHOUAKI OU LE SERMENT DES ORANGES” DE LAMINE AMMAR-KHODJA
Publié dans Liberté le 09 - 01 - 2010

De la naissance à la jeunesse, en passant par les premiers pas dans la musique, et jusqu'à la littérature, Aziz Chouaki se confie avec honnêteté à la caméra de Lamine Ammar-Khodja, dans Aziz Chouaki ou le serment des oranges.
Dans un pays en mutation qui n'en finit pas de muter, il est très difficile pour un jeune de trouver sa place, sa voie et même de se construire. Entourés de chaos, les jeunes n'arrivent pas à exprimer leurs frustrations et à briser les chaînes du silence. Mais voilà qu'un jour, un jeune, Lamine Ammar-Khodja, traversé par les mêmes questionnements et doutes de sa génération, tombe sur un roman qui change sa vie. C'est l'Etoile d'Alger d'Aziz Chouaki. Le roman est trépidant, passionnant et parle à Lamine Ammar-Khodja. Ce dernier, passionné de cinéma, décide de faire un portrait éclaté sur l'auteur de ce petit bijou qui a changé sa vie. C'est ainsi donc qu'a commencé l'aventure du documentaire Aziz Chouaki ou le serment des oranges. Réalisé en 2008 avec les moyens du bord, le docu de soixante minutes a été projeté mercredi dernier au Centre culturel français d'Alger, et tend à nous faire découvrir l'univers de cet auteur, qui, selon le réalisateur, sait s'adresser aux jeunes. Chronologique, le docu commence par l'enfance et la jeunesse d'Aziz Chouaki, d'abord en Kabylie puis dans le quartier de Belfort. Et au fil des scènes, du témoignage d'Aziz Chouaki, on apprend que l'auteur était prédestiné à une autre carrière, musicale en l'occurrence, n'étaient les poèmes qu'il écrivait pour séduire les filles, dans un premier temps. Le premier amour de Chouaki est la musique. Karim Ziad, musicien, a évoqué sa relation avec Aziz Chouaki, tout en rappelant que les années 1980 ont été l'âge d'or de la musique en Algérie, avec l'émergence de groupes et de styles musicaux. Karim Ziad expliquera en substance que Aziz Chouaki a tenté de “déguettoïser” la musique, notamment le raï. La passion pour l'écriture est venue bien après, et là encore, selon l'universitaire Christiane Chaulet Achour – qui a témoigné dans le docu – la musique est bien présente ; c'est elle qui rythme son écriture, déjà chargée de violence et de colère. Une colère silencieuse, inexprimée, périlleuse et dangereuse. Le réalisateur, Lamine Ammar-Khodja adhère complètement à cette conception, et a essayé durant tout le documentaire à la transmettre aux spectateurs. En outre, le réalisateur laisse un peu de côté Aziz Chouaki, pour peindre le portrait des jeunes “Algérois” ballottés entre l'Orient et l'Occident, entre la docilité et la rébellion, entre l'amour et la haine. Mais Lamine Ammar-Khodja catégorise les jeunes et les met dans des cases, ce qui renvoie une image assez fausse de la réalité. À en croire le docu, les jeunes n'ont pas les mêmes problèmes, et sont violents parce qu'ils n'ont pas réussi ou parce qu'ils n'arrivent pas à s'exprimer, alors que c'est très loin de la réalité.
L'impact des mots
C'est de la frivolité. Car chacun a ses problèmes existentiels et ses propres tracas, mais il y a des maux partagés par la jeunesse algérienne tout entière.
De plus, le réalisateur idéalise l'œuvre d'Aziz Chouaki et non l'auteur, et le portrait qu'il nous dresse, ne semble qu'un prétexte pour parler de la situation des jeunes en Algérie, catégorie dont lui-même fait partie. Aziz Chouaki ou le serment des oranges décrit l'Algérie de Aziz Chouaki, et la décennie noire en fait partie.
L'informateur en parle avec émotion, jusqu'à ce qu'il dise la phrase irresponsable et irréfléchie, sur la situation des jeunes en Algérie. “Si j'étais encore jeune, j'aurais pris les armes”, dit-il avec détachement. Dramatique et à tous les niveaux, d'autant que l'auteur ne vit plus en Algérie depuis le début des années 1990 et qu'il a un regard externe sur le pays. Comment un intellectuel, un homme qui s'est installé dans les mots et qui connaît leur pouvoir, puisse-t-il s'exprimer ainsi ?
Malgré cette fausse note, le film de Lamine Ammar-Khodja est, à bien des égards, réussi même s'il a été tourné avec peu de moyens, et même s'il veut dire beaucoup de choses à la fois. Déformation des premières fois !


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