Quand “sa vie est faite d'un entrelacs de malentendus... domestiqués, intériorisés”, il n'y a qu'une chose à faire. Choisir l'anonymat. C'est ce que fait Amar Boum Bara qui se remémore ce qu'il a écrit dans son journal. Car il voulait être écrivain mais certainement pas avec un nom comme celui qu'il traîne comme un boulet. Collé à son ancêtre par l'état civil français, qui veut dire, traduit : “Bon débarras”, le livre s'emballe de manière inversement proportionnelle au comportement de ce personnage disgracieux mais qui fait de la peine. On a toujours de la peine quand le sort vous désigne injustement comme souffre-douleur. Il ne lui reste plus qu'à souffrir en douleur et en solitaire sous les quolibets. Si ce n'était que cela! Son père, appariteur à la mairie d'Alger s'avère être, semble-t-il, un imposteur (d'après les rumeurs du quartier et qui sont les plus assassines). Il n'a pas fait la Révolution et encore moins participé à la marche du 11 Décembre 1960.Que faire alors des cartes du parti, de la RSTA et j'en passe qui lui permettaient de ne pas faire la chaîne devant la foule agglutinée aux Galeries algériennes au moment des arrivées. Autre époque que les plus de 40 ans ont en mémoire. C'est la honte! Malgré quelques digressions, le roman se lit avec un réel plaisir pour ceux qui veulent revivre ou connaître Belcourt des années d'indépendance à nos jours. Avec la complicité de trois amis qu'Amar arrive à se faire après qu'il eût succédé à son père comme appariteur à la mairie, en partageant son lit avec la femme choisie par sa mère pour la seconder, il trompe l'ennui, sa femme et les bigots tous les jeudis avec les premiers. De cette franche amitié qu'il n'a jamais pensé faire, Amar se découvre tel qu'en lui-même. Cet Algérien normal qui n'en fait qu'à sa tête mais que pour sa tête. Ni donneur de leçons ni foudre de guerre et encore moins fainéant ; il vit sa vie comme elle “arrive”. C'est sans doute le meilleur ouvrage de l'auteur qui traverse, même si c'est trop hâtivement, l'Algérie des quinquas qui ont raté plusieurs rendez-vous avec l'histoire et des points de départ. Dommage que le livre soit passé inaperçu par la critique. * Je brûlerai la mer de Youcef Merahi, roman, 143 pages, éditions Casbah, Algérie 2009