L'entrée de la ville de l'ex Michelet – ou du moins ce qu'il en reste- ne donne pas l'image d'une ville en perpétuelle destruction, mais une ouverture vers l'inconnu qui nous attend après les arrêts anarchiques de fourgons. De ce côté, il y a même des chantiers en cours d'élévation. Toutefois, à première vue, la stèle du colonel Amirouche, restaurée il y a peu, semble protéger, arme à la main, le monument des Martyrs faisant face au majestueux Djurdjura. Sur le mur longeant la rue qui porte son nom, une banderole nous fait une mise en garde : NE TOUCHEZ PAS A NOS MARTYRS. En effet, pour répondre aux multiples projets en souffrance d'une ville qui cherche désespérément son urbanisme, les autorités locales auraient émis le vœu de délocaliser le monument des Martyrs pour y planter une tour commerciale. “Il y a longtemps, voulant à tout prix construire, les autorités successives ont même dû effacer les traces d'un cimetière chrétien pour ériger, contre nature, des bâtiments. Mais ces derniers n'ont pas tenu devant la colère de la nature ; et voilà que le bien de Dieu repart à Dieu”, raconte un septuagénaire. Rompant l'indifférence et le mutisme aveugle, les habitants d'Aït Sidi-Saïd, un village qui aurait donné toutes ses terres là où fut fondée la ville de Aïn-El Hammam, réagissent en force contre cette initiative. “Qu'ils fassent ce qu'ils veulent, mais qu'ils laissent nos martyrs en paix”, dira un homme d'un certain âge. Même si les autorités locales tentent d'apaiser la tension régnante en affirmant leur dessein de “construire un monument au centre-ville, sur les décombres de l'ancienne bâtisse de l'ex-kasma, les habitants ne semblent pas adhérer au projet. Pis encore, après avoir adressé une lettre ouverte au président de la République, ils décident d'aller encore plus loin et “réclamer la restitution de la parcelle de terrain, cédée exclusivement pour l'honneur de ceux qui, hier ont arrosé cette terre de leur sang”, lit-on dans la lettre. Décidément, la démocratie participative devrait retrouver sons sens en s'instaurant sur un véritable débat, loin de tout climat de suspicion, installé par la rumeur et le non-dit. Construire ici ou là, supermarché, ou gare, c'est par la raison et l'entente que les choses peuvent aller bon train.