Il est des choses qui passent pour des petits riens, mais à s'y pencher, on y recèle bien des trésors passés et à venir. On serait bien étonné de savoir que si on retirait les produits végétaux du marché, qui ont été introduits chez nous depuis le début du XXe siècle, il ne resterait pas grand-chose aux yeux du consommateur d'aujourd'hui. De quoi se nourrissait-on alors ? Question d'autant plus exacerbée que la viande était rare et les céréales parfois aléatoires. C'est un fait historique indéniable : mis à part la céréaliculture et une horticulture d'appoint, les anciens ramassaient pratiquement la grande totalité de leurs légumes dans le grand potager naturel. Une des premières missions d'exploration scientifique initiées par la colonisation fut l'inventaire des produits végétaux comestibles. Si le but avoué était de découvrir des nouveautés exotiques qui pourraient alimenter la métropole et d'implanter des espèces venues d'autres colonies au climat chaud, il était fait également des recherches sur l'alimentation des populations qui tenaient avec si peu entre deux disettes. Végéteaux nourriciers Dans le lot de ces végétaux nourriciers, il en est un qui est chéri par les Algériens. Il s'agit des cardes, el khorchef (tagga, addad). À prononcer leur nom, une question fuse : sauvages ou cultivées ? Par cardes, il ne faut entendre que celles qui poussent spontanément, répondent les botanistes. Du latin carduus, qui a donné le mot cardèche aux parlers algériens du fait que les épines de la plante servaient à peigner la laine avant l'invention de la “carde” métallique. La plante potagère cultivée est, quant à elle, dénommée cardon. Sa désignation par le terme populaire de “cardan” dans certaines régions illustre bien que sa culture a été développée par les maraîchers coloniaux. Bon pour la digestion, le foie, la circulation sanguine, tonique, fébrifuge, grâce aux nombreux sels minéraux, vitamines et surtout le principe amer qu'il contient : la cynarine dont la pharmacopée moderne tire de nombreux produits. Mais la science qui ne cesse de reconduire le bon sens populaire nous rappelle qu'il est plus bénéfique de consommer la plante entière pour bénéficier de toutes ses vertus. Alors, faisons le plein de khorchef, la saison s'y prête, ils sont si abondants cet hiver. Traditionnellement, ils se préparent en ghomsa, accompagnent les couscous, ou crus tout simplement. RECETTE Poulet au citron et cardon* (http://mediterranee.france3.fr/emissions/ lacuisinedacote) Pour 4 personnes Ingrédients : - 4 cuisses de poulet - 2 petits citrons - 4 gousses d'ail - 1 pied de cardon - Romarin - Laurier - Olives noires - Gingembre - Safran - Sel fin, poivre noir - Huile d'arachide Préparation : Pour commencer, lavez les cardons. Epluchez-les et mettez-les à cuire dans une casserole d'eau salée après les avoir citronnés. Ecumez après la première ébullition et ajoutez gingembre et safran, puis continuez la cuisson durant une heure environ. Salez et poivrez les cuisses de poulet, colorez-les dans une sauteuse avec de l'huile d'arachide. Taillez les cardons en biseaux. Taillez le citron en petits morceaux. Dans la cocotte, déposez les cuisses de poulet, le citron, les cardons et les olives. Déglacez la sauteuse avec une louche de jus de cuisson des cardons et ajoutez le jus obtenu dans la cocotte. Ajoutez des feuilles de laurier, une branche de romarin, ainsi que l'ail en chemise. On couvre la cocotte et on termine la cuisson au four pendant une heure. Et n'oubliez pas d'arroser régulièrement avec le jus de cuisson. J'ai essayé avec bonheur des cardes provenant des étendues steppiques de M'sila. Momo [email protected]