En bon chef d'orchestre, le pouvoir du Caire a poussé les chaînes satellitaires et l'ensemble de la presse cairote à développer un discours de nature à banaliser cette rencontre, et donc à en limiter la portée. Oui, c'est bel et bien le match à ne pas perdre que vont livrer ce soir les camarades de Ziani face aux protégés de Shehata. Les supporters algériens le savent, eux qui se bousculaient hier devant les guichets d'Air Algérie pour obtenir un hypothétique billet pour l'Angola. Ils savent qu'une défaite face à l'équipe d'Egypte leur sera insupportable. C'est pour cela qu'ils ne veulent même pas envisager une telle issue à cette empoignade, et ce serait idéal que les joueurs eux-mêmes soient dans le même état d'esprit, ce soir à 20 heures 30, au moment où ils fouleront le terrain du stade de Benguela. Sera-ce le cas ? Les Algériens le souhaitent vivement. Mieux, ils n'en attendent pas moins. On craint évidemment que des paramètres objectifs jouent en faveur des Pharaons : la fatigue après le big match des quarts de finale, les blessures et, surtout, cette fébrilité criante que montrent les Verts à l'entame de chaque match. Mais on craint surtout une défaillance du mental des joueurs. Pourquoi ? Parce que les responsables et les médias égyptiens, au prix d'un incroyable revirement, travaillent de concert à minimiser l'enjeu très spécial qui caractérise cette joute. En bon chef d'orchestre, le pouvoir du Caire a poussé les chaînes satellitaires et l'ensemble de la presse cairote à développer un discours de nature à banaliser cette rencontre et donc à en limiter la portée. La Ligue arabe elle-même, restée silencieuse depuis l'épisode du 14 novembre malgré la vraie crise qui s'en est suivie, s'est mise de la partie, par la voix d'un collaborateur du très Egyptien Amr Moussa. L'objectif d'une telle manœuvre est clair. Primo : préparer l'opinion égyptienne à une éventuelle débâcle de son équipe — “ce n'est qu'un match de foot”, leur disent déjà les captains de Nile Sport et autres Dream TV qui, tous, parlent d'une même voix, en attendant de nous mépriser et de nous insulter de nouveau en cas de victoire contre les Algériens ; secundo : aseptiser et, pourquoi pas, annihiler l'ardeur des camarades de Bougherra qu'ils savent plus forte face à un adversaire qui se montre hautain et suffisant. La crainte vient surtout du fait que Rabah Saâdane him-self semble déjà tomber dans le piège. Il participe même au guet-apens égyptien, certes sans le savoir : hier, au lieu de se limiter à parler en technicien, il s'est découvert des talents de diplomate, appelant à un match qui devrait ouvrir “une nouvelle ère dans les relations entre les deux pays frères” ! À croire qu'il n'a pas pris connaissance du témoignage de ce journaliste irakien ahuri par la haine exprimée par les poulains de Shehata suite à la victoire des Verts face aux Ivoiriens. Si c'est ainsi que le “Cheikh” compte extraire ses joueurs à la pression d'avant-match, parions que c'est raté.