Malgré une année de combats acharnés et plusieurs revers, c'est un Barack Obama pugnace qui s'est adressé mercredi dernier au Congrès et aux Américains, mais sans garantie de les avoir convaincus de soutenir ses ambitions réformatrices. Conjurant les sondages en baisse et une défaite humiliante pour son parti lors d'une sénatoriale partielle dans le bastion démocrate du Massachusetts, Barack Obama a promis de faire ce pour quoi il a été élu--le changement--lors de son premier discours annuel sur “l'état de l'Union” devant les deux chambres du Congrès. “Nous n'abandonnons pas. Je n'abandonne pas. Il faut saisir ce moment pour redémarrer, faire avancer le rêve et renforcer une nouvelle fois notre Union”, a-t-il lancé, comme pour faire renaître la magie de sa campagne présidentielle de 2008. Pour Robert Lehrman, un ancien rédacteur de discours présidentiels, M. Obama s'est adressé avant tout aux électeurs indépendants, ceux qui l'ont porté à la Maison-Blanche mais ont abandonné les démocrates la semaine dernière dans le Massachusetts. “Il a voulu leur montrer qu'il n'avait pas abandonné les grands projets avec lesquels il est arrivé à Washington et je pense que c'est ce que les gens voulaient entendre”, observe-t-il. “Je pense qu'il s'est comporté en homme d'Etat”. Le président a reconnu des erreurs de la part de son administration et admis que le changement prenait du temps, surtout en période de difficultés économiques. Mais il a montré du doigt le Congrès pour ses querelles incessantes qui freinent les réformes. “Ce qui agace les Américains, c'est qu'on dirait qu'à Washington, c'est tous les jours les élections”, a-t-il constaté. Un seul discours n'aura certainement pas suffi à débloquer la rivalité gauche-droite au Sénat, qui tient en otage la réforme de l'assurance-maladie, la grande promesse de la présidence Obama. Mais son intervention a pu lui permettre de gagner du temps et de s'abriter d'une possible déroute de son parti lors des élections législatives de mi-mandat prévues en novembre, analyse M. Lehrman. Le président s'en est pris directement à ses adversaires républicains pour les faire apparaître comme ceux qui bloquent les réformes. Mais il va lui falloir décrocher rapidement des résultats, que ce soit pour l'assurance-maladie ou la réforme de la réglementation financière. “Quand on est confronté à une telle rhétorique de la part de ses adversaires, il faut obtenir une victoire dans les plus brefs délais”, observe Jennifer Reem, professeur de communication à l'université Nova Southeastern en Floride. Barack Obama a assuré que le pire de la crise était passé grâce aux mesures de relance décisives adoptées dès son arrivée à la Maison-Blanche. “Il est apparu sous les traits d'un combattant, quelqu'un qui lutte contre l'adversité”, a estimé Mme Reem. Le chef de l'Etat ne s'est pas privé de s'en prendre à ses propres troupes, les mettant en garde contre la tentation de stopper les réformes avant les élections. “Aux démocrates, je rappellerai que nous avons toujours la plus vaste majorité depuis des décennies et que les gens nous demandent de résoudre les problèmes, pas de paniquer”, a-t-il dit. “Je n'ai jamais dit que le changement serait facile ni que je pourrais y arriver tout seul”, a-t-il lancé, avant d'assurer qu'il ne sacrifierait pas son programme sur l'autel des sondages. “Les responsables politiques peuvent jouer la prudence et éviter de dire les vérités qui dérangent”, a-t-il relevé. “On peut très bien faire ce qu'il faut pour soutenir sa cote de popularité et survivre à la prochaine élection au lieu de faire ce qu'il faut pour les générations futures”.