L'ancien Premier ministre assume son plein soutien a Georges Bush. Il n'a exprimé aucune compassion à l'égard des 700 000 Irakiens tués depuis le début de la guerre. Son audition était attendue. Des excuses aussi. Mais Tony Blair ne regrette rien. Devant la commission d'enquête sur l'action militaire britannique en Irak, à côté des Etats-Unis, l'ancien Premier ministre n'a exprimé aucun remords, pour sa responsabilité dans la guerre et la mort de près d'un million d'irakiens, depuis le début de l'offensive en 2003. Il n'a pas fait preuve d'une plus grande compassion à l'égard des familles des 179 soldats britanniques, qui ont perdu la vie sur le champ de bataille. “Je n'ai pas de regrets”, a-t-il répondu vendredi dernier, à Sir Chilcot, président de la commission d'enquête. Tôt dans la matinée, plusieurs dizaines de manifestants hostiles à M. Blair se sont rassemblés devant le lieu des auditions à Westminster. Brandissant des pancartes où il est traité de menteur, la foule a réclamé, ni plus ni moins, qu'il soit jugé pour crimes contre l'humanité. Il y a sept ans, l'ex-locataire du 10 Downing Street acceptait de prêter main-forte à Georges Bush en Irak, contre l'avis de l'opinion britannique. Aujourd'hui, il estime avoir pris une décision salutaire qui a permis au monde de se débarrasser de Saddam Hussein. Visiblement décontenancé à son arrivée à la salle des auditons, Tony Blair a réussi à vaincre sa nervosité rapidement en troquant son habit de politicien dans l'embarras contre celui de l'avocat habile qu'il avait été dans sa prime jeunesse. De l'avis de Nick Robinson, chef du service politique de la BBC, l'ancien Premier ministre a mené les débats à sa guise, à son avantage. Il s'est employé pendant six heures à justifier l'injustifiable et à faire les raccourcis les plus invraisemblables. Selon lui, le soutien militaire apporté par le Royaume-Uni aux Etats-Unis, dans sa campagne en Irak visait a envoyer un message de l'Ouest aux régimes qui présentent une menace pour sa sécurité. La décision avait été prise au lendemain des attaques kamikazes de septembre 2001. M. Blair ne dit pas en quoi l'Irak constituait un foyer du terrorisme islamiste. Contrairement à l'Afghanistan, le pays n'était pas désigné comme une base arrière d'Al-Qaïda. Mais selon l'ancien Premier ministre, il était en possession d'armes de destruction massive (ADM). Ce qui justifiait amplement la conduite d'une action militaire. Dans ce cas, il aurait fallu aussi attaquer la Corée du Nord. Le régime de Pyong Yong défie continuellement la communauté internationale en exhibant ses missiles et en effectuant des essais nucléaires. En Irak, l'existence d'armes de destruction massives n'a même pas été prouvée. Pourtant en 2003, sur la base d'un dossier tronqué fourni au Parlement, M. Blair jurait que Saddam avait la possibilité d'actionner son arsenal dans un délai aussi court que 45 minutes. Rattrapé par un aussi gros mensonge, il a évoqué devant la commission d'enquête une erreur de timing. Dans une interview à la BBC il y a un mois, il faisait une révélation fracassante, assurant que la décision de destituer Saddam Hussein était inéluctable, nonobstant la présence ou pas des ADM. L'ancien responsable britannique avoue avoir promis à son homologue américain, de l'aider dans cette entreprise, au cours d'un dîner privé, dans le ranch de ce dernier, au Kansas, en 2002. Ce deal prouve que les deux hommes ont planifié l'invasion de l'Irak, au mépris des efforts diplomatiques déployés par l'ONU pour l'éviter. “Une alliance dans le sang”, voici comment certains politiques hostiles à Tony Blair qualifient son pacte avec Georges Bush. Andrew Neather, un de ses anciens conseillers, déplore son allégeance aveugle et son manque de moralité. Fidèle à ses “principes”, l'ancien ministre n'en démord pas. Après l'Irak, il désigne l'Iran comme une nouvelle source de danger qu'il faut neutraliser. Entre-temps, sa propre vie est réglée comme du papier à musique. Envoyé spécial de l'ONU au Proche-Orient, il remplit le reste de son emploi du temps et par la même occasion son compte en banque, en s'improvisant comme guest star dans des conférences internationales. Gordon Brown, le successeur de Blair à Downing Street, est le prochain témoin sur la liste de la commission d'enquête. Au moment de l'invasion de l'Irak, il occupait le poste de ministre des Finances. Il est à noter que la commission d'enquête a été mise en place à la demande du public, notamment des familles des soldats britanniques tués en Irak. Elle a entamé ses auditions il y a plusieurs semaines en interrogeant plusieurs personnalités de l'establishment politique britannique.