Après avoir soufflé le chaud et le froid depuis presque une année, Pyongyang consent à ouvrir des négociations au sujet de son programme nucléaire. La Corée du Nord voulait négocier directement avec les états-Unis, contre qui elle a même engagé un sérieux bras de fer depuis pratiquement octobre 2002. Bush, qui avait inscrit la Corée du Nord en tête du peloton des Etats voyous, a dû surseoir aux représailles qu'il lui destinait pour ne s'occuper que de l'Irak, pour ne pas avoir à gérer deux crises majeures en même temps. Mais, surtout, parce Pyongyang bénéficie du parapluie chinois. Les négociations, dont l'objectif est le retour dans la Corée du Nord des inspecteurs de l'AIEA, pour y empêcher la fabrication de bombes atomiques, se dérouleront à Pékin. Les Chinois qui ont fort à faire avec la subite “rébellion” de Hong-Kong et la grogne des laissés-pour-compte de leur gigantesque processus de modernisation, ne veulent pas traîner d'autres casseroles. La nouvelle équipe dirigeante, des quadragénaires, ont compris. Pour accéder au statut de première puissance du troisième millénaire, la Chine a besoin de stabilité dans ses frontières. Ils ont poussé les autorités de Pyongyang à la table des négociations pour ne pas se voir accusés d'assistance à leur programme nucléaire. Les négociations ne seront pas bilatérales comme l'a toujours revendiqué le maître de la Corée du Nord, dont le régime est l'un des plus verrouillés dans le monde. La conséquence directe en est la famine endémique qui frappe quelque 21 millions de Coréens. Le face-à-face Pyongyang-Washington se déroule en présence de la Corée du Sud, du Japon, de la Russie et de la Chine. Bush, revenu de son unilatéralisme au Proche-Orient, veut gérer la question en impliquant le frère ennemi, les grands voisins et le mentor. À l'extrémisme de Washington, Tokyo et Séoul ont toujours privilégié à l'égard de Pyongyang une approche graduelle et diplomatique. La Corée du Sud reprendra certainement son dialogue avec sa sœur “ennemie” en 2004, lorsque Lee Hoï-Chang remplacera Kim Dae Jung. Les élections présidentielles se dérouleront en décembre et Lee Hoï-Chang est donné gagnant. Originaire de Hwanghae-do, ville de Corée du Nord, le futur Président avait ouvert un dialogue avec Pyongyang en 1994 en tant que Premier ministre de Kim Young Sam. Pour la petite histoire, il a démissionné après que le dossier Corée du Nord lui ait été retiré, sous la pression des Etats-Unis, semble-t-il... La Corée du Nord n'est pas l'Irak. Sa puissance militaire ne fait aucun doute. Le pays entièrement militarisé pouvant atteindre Séoul, la seconde Corée et Tokyo, Pyongyang vend des missiles à l'Iran la Libye, l'Egypte et la Syrie. Quant à l'armement nucléaire, la Corée du Nord serait tout près de l'avoir, selon Washington et l'AIEA. Pour l'histoire, les Etats-Unis l'auraient eux aussi aidé dans son programme nucléaire : une société domiciliée en Suisse, ABB, (Acsa brown Boveri) a vendu, en 1996, deux réacteurs nucléaires à la Corée du Nord et, à cette époque, l'actuel secrétaire d'Etat américain à la défense, Donald Rumsfeld, siégeait dans son conseil d'administration. D. B.