Après l'attentat, survenu au cœur de Beyrouth, contre l'ex-Premier ministre libanais, Rafik Hariri, Bush a, enfin, trouvé l'occasion rêvée pour cocher la Syrie dans sa liste des régimes à abattre… Washington n'a jamais cessé de pointer du doigt Damas, l'accusant, sans toutefois apporter de preuves formelles, d'alimenter le terrorisme dans trois principaux foyers de la région. Au Liban, tout d'abord, où les autorités politiques sont maintenues dans un état de dépendance étroite, sur lesquelles veille une présence militaire syrienne, forte de 14 000 hommes et où des groupuscules, proches du Baâs syrien, ainsi que des courants du Hezbollah, plutôt en accointance avec Téhéran, seraient sous la coupe directe des services de Damas. En Palestine, ensuite, où les Américains s'associent, aveuglément, aux accusations israéliennes, selon lesquelles les autorités syriennes couvrent les diverses factions extrémistes qui mènent la vie dure à Israël. Et, enfin, Bush n'a pas arrêté de menacer le régime syrien, suspecté d'appuyer la guérilla islamiste en Irak, qui a transformé en cauchemar ce que les stratèges du Pentagone avaient pronostiqué comme une simple “promenade de santé”. La Syrie rejoint, ainsi, l'Iran et la Corée du Nord, dont les régimes ont été requalifiés, par Bush, de “pouvoirs tyranniques”, à bouter de quelque façon que ce soit, y compris au prix de nouvelles croisades militaires. Téhéran, Pyongyang et Damas sont la bête noire de Washington, qui crie sur tous les toits qu'il est décidé à les faire plier. Placés dans l'axe du mal avec l'Irak du temps de Saddam, ces trois pays font l'objet d'accusations au vitriol et de menaces ouvertes. Bush, inaugurant son second mandat, leur a décerné le label de postes avancés de la tyrannie. Pyongyang, annonçant disposer de la bombe atomique, refuse de reprendre des négociations multilatérales sur son programme nucléaire, tant que Washington persiste dans son refus de négocier directement avec Kim Jong II. Téhéran est engagée dans d'interminables tractations avec Paris, Berlin et Londres, pour l'amener à abandonner toute ambition nucléaire militaire, mais Washington ne cache pas son profond scepticisme sur les chances de succès de ces efforts, que Bush approuve, du reste, du bout des lèvres. Damas, de son côté, s'est toujours tenue à carreau, refusant délibérément de céder aux provocations américaines. Mais pour sa présence au Liban, la Syrie reste ferme : pas question de laisser tomber, quand bien même le Conseil de sécurité de l'Onu n'a cessé de la brocarder. Tout se passe comme si Bush voulait exorciser le piège irakien au travers de ces régimes dont ceux de Téhéran et de Pyongyang caricaturent, il est vrai, au mieux les violations des droits de l'homme et dont les autorités ambitionnent ouvertement la possession d'armes atomiques pour faire partie du club intouchable des grands. Washington pense que, dans ces deux pays, le danger nucléaire ne pourra être vraiment écarté que par des changements de régime, sans s'interroger cependant sur leur faisabilité. Rien n'a encore filtré de la stratégie bushienne contre la tyrannie, mais les tactiques diffèrent certainement, dès lors qu'il s'agit de traiter avec Kim Jong Il ou avec les ayatollahs iraniens ou encore avec Bachar. Ce sont, de fait, trois contextes différents, trois pays différents et trois dynamiques différentes. Kim Jong II est plus qu'un stalinien, mais il bénéficie du parapluie chinois. Alors que l'Iran, frontalier de l'Irak, est directement accusé de soutenir le terrorisme, donc de contrarier le processus de normalisation au Moyen-Orient. Idem pour la Syrie, avec le programme nucléaire en moins. Le dossier iranien est, par contre, pour elle un sujet urgent, comme certainement la Syrie qui doit s'attendre à de plus fortes pressions de la part des Etats-Unis. À Damas, la situation est aussi compliquée, mais le bras de fer entre caciques et fidèles à la ligne de Hafez El-Assad et les ambitions de son successeur, Bachar, son propre fils, de marquer de sa touche personnelle le pouvoir, autorise tous les scénarios… D. B.