Dans un concert organisé par le Centre culturel français d'Alger, le musicien Thierry Robin dit Titi a transporté un public fort nombreux, venu se chauffer le cœur par ce temps froid. Il est 19h15. Les musiciens, trois, entrent sur scène. Titi Robin se met au milieu, prend son bouzouki et entame un prélude, une sorte de touchia. Une musique suave, venant du fin fond du Delta et du Tigre. Au fil des notes, le rythme change, s'enflamme. Il devient endiablé, sans prévenir, sans crier gare. Du rythme arabe pur, on passe à celui où se côtoient les genres, les styles : oriental et tzigane. Des sonorités pures, plurielles et fluides. Titi Robin gratte, plutôt caresse l'instrument. Une osmose, une communion entre le musicien et son instrument. Un dialogue s'établit avant que le percussionniste se joigne à la conversation, suivi aussitôt par l'accordéoniste, ne voulant sûrement pas être en reste. Thierry Robin dit Titi est né, à la fin des années cinquante, dans l'ouest de la France. Musicien autodidacte, il est influencé par les cultures et musiques gitanes, tziganes et orientales. Et c'est en partant de ces différents genres musicaux qu'il a construit son propre univers, leur empruntant, à l'instinct, leurs éléments musicaux. Et c'est au sein de ces deux communautés qu'il a trouvé un écho sensible et encourageant à sa démarche. Il joue de la guitare, de l'oud et du bouzouki. Il a donné de nombreux concerts en Afrique australe, au Moyen-Orient et en France. À son actif, une dizaine d'albums. Le public, dans un silence religieux, savourait, se délectait l'ouïe. Il s'imprégnait de l'ambiance qui s'installait au fil des minutes . Au bout du troisième morceau, le rythme change, plus doux, plus évocateur. C'est “Ton doux visage”, “c'est un morceau que j'ai composé pour son doux visage”, lancera Tit Robin. Il changera aussi d'instrument : la guitare suivra La Famille, une composition qu'il a interprétée à ses débuts. Chaque fois qu'il la joue, des souvenirs rejaillissent, reviennent à la surface. Des souvenirs de sa famille. “Mon premier orchestre, c'est ma famille. Mon premier théâtre, c'est la cuisine (…)”, dira-t-il en substance. À un moment, les musiciens parlaient entre eux sur les instruments, leur outil et les notes, leur langue commune. Et là… le rythme change, très dansant ; le public bat la cadence. Même les sonorités africaines étaient au menu. Gulabi Sapera dit Pepito fait son entrée. Un chanteur avec lequel Titi Robin collabore fréquemment et dont la voix est sur plusieurs des albums du musicien. Avec une voix grave et longue, propre aux gitans, il entame un istikhbar. Il vivait les paroles qu'il chantait. Le public apprécie. Grande ovation. Un intermède dans la pure tradition tzigane et gitane. Le concert tire à sa fin. Nourreddine Saoud, compositeur et interprète andalous algérien, entre sur scène. Ça promet. Le temps de prendre place et voilà que ça démarre. Il interprétera une chanson du patrimoine chaâbi : Yemna. Un pur moment de bonheur. Un mariage des genres réussi, titillant la fibre musicale enfouie en chacun de nous. Durant une heure-trente, Thierry Robin et ses musiciens transportèrent l'assistance, fort nombreuse de la salle archicomble, dans un univers musical très riche en sonorités, en mélodies, avec toute la chaleur que ce mixage véhiculait.