Le 11 février 1990, l'icône africaine était libérée après avoir passé 27 ans en détention sous le régime d'apartheid, dans l'île de Robben Island, près du Cap. Le premier président noir d'Afrique du Sud et prix Nobel de la paix a, en effet, réuni ses proches et amis dans un dîner familial la semaine dernière avec, comme hôte d'honneur, son ancien geôlier, le dernier président de l'apartheid sud-africain. Désaccords avec l'actuel dirigeant de la première puissance africaine, un populiste et polygame qui s'assume ? Il y a certainement un peu de cela, bien que Mandela ait toujours fait montre de loyauté à l'ANC en évitant de prendre position en politique, sauf en matière de lutte contre le sida. Alors que la maladie est taboue dans son pays, il organise en 2003 le premier d'une série de concerts mondiaux et annonce publiquement, deux ans plus tard, que son fils en est mort. Âgé de 91 ans, Madiba (surnom affectueux qui désigne Mandela en Afrique du Sud), qui se déplace en chaise roulante, a assisté néanmoins au discours sur l'état de l'Union du président Jacob Zuma au Parlement. Madiba libre ancre la démocratie dans son pays, lui-même refusant le second mandat que lui autorise la Constitution et son successeur M'Beki, bien désirant conserver le pouvoir, s'est plié lui aussi à la loi fondamentale de l'Afrique du Sud. Si la réconciliation s'est plus ou moins assez bien effectuée où plus exactement elle est acceptée de part et d'autre, vingt ans après la libération de Mandela, l'Afrique du Sud reste toutefois confrontée à des inégalités criantes et l'impatience bout dans les quartiers pauvres. Du point de vue politique, le changement est certes radical : les lois ségrégationnistes ont été abrogées, la démocratie multiraciale installée, mais, chez les exclus, l'espoir de 1990 s'est effrité, voire évaporé. L'ancienne formation de lutte contre le régime blanc, l'ANC, qui a remporté sans coup férir toutes les élections depuis la proclamation de l'Etat “Arc en ciel” par Mandel, s'est toujours évertuée à rassurer les milieux d'affaires malgré son ancrage historique à gauche. Sa stratégie a permis d'assurer une croissance forte jusqu'à l'an dernier, faisant de l'Afrique du Sud le géant économique du continent et finançant des aides sociales dont bénéficient aujourd'hui 13 des 48 millions de Sud-Africains. Par contre, elle a échoué sur la question de la redistribution des cartes, les classes populaires, les Noirs ne sont guère mieux lotis aujourd'hui. En dépit de l'émergence d'une classe moyenne noire, surnommée les “Diamants noirs”, la grande masse continue de souffrir du chômage et de la pauvreté. Pire, selon un rapport gouvernemental récent, les disparités ne cessent de se creuser. Le revenu mensuel moyen des Noirs a augmenté de 37,3% depuis 1994. Celui des Blancs a bondi de 83,5%. Si le gouvernement a amélioré l'accès à l'eau et à l'électricité, il reste beaucoup à faire dans les énormes bidonvilles du pays, où 1,1 million de familles continuent de vivre dans des baraques de fortune. La colère dans les communautés noires pauvres grandit à toute vitesse et le parti de Mandela déçoit de plus en plus. Conscient de ces tensions, le nouveau chef de l'ANC, un historique et compagnon de Mandela, Jacob Zuma, a mené l'an dernier une campagne électorale visant directement les plus pauvres. Dans les mois qui ont suivi son arrivée à la tête de l'Etat, en mai, les townships l'ont rappelé à ses promesses, explosant en manifestations violentes pour dénoncer la corruption et l'inefficacité des pouvoirs publics locaux. Zuma devrait profiter du 20e anniversaire de la libération de Nelson Mandela pour rafraîchir la mémoire des Sud-Africains, mais ce n'est pas suffisant. Cela ne servira à rien si son discours n'est pas suivi d'améliorations. La coupe de foot du monde lui donne encore quelques mois de répit.