Une rencontre privée entre un éditeur et son auteur tourne au vinaigre. Retour sur un histoire insolite, voire même incongrue, digne d'une trame d'un roman. C'est une histoire digne d'un roman d'espionnage avec une ombre planante, quelques complots pour pimenter l'intrigue et des versions fragmentaires de la vérité. Abderrahmane Zakad a envoyé un e-mail à tous ses contacts et à tous les acteurs du petit cercle très fermé de la culture, en affirmant avoir été agressé par Sid Ali Sekhri, libraire et éditeur prospère, qui a initié ces dernières semaines le café littéraire “l'Île lettrée”. Âgé de 73 ans, Abderrahmane Zakad a affirmé, dans son courriel, avoir été tabassé par son éditeur et laissé inconscient devant la porte du café littéraire. Il écrit : “L'éditeur me convoque jeudi et me reproche de m'être adressé à l'ONDA et au ministère. Bagarre, altercation, il m'engueule, me bouscule et me casse le nez et m'ensanglante le visage tout en me jetant sur le trottoir.” Souhaitant tirer cette affaire au clair qui salit la réputation de l'éditeur, Sid Ali Sekhri, et qui cause préjudice aux acteurs de la culture en Algérie, nous avons tenté de joindre les deux parties pour en savoir davantage sur ce contentieux qui a largement dépassé le domaine du privé. Tout commence lorsque l'auteur du roman le Terroriste, Abderrahmane Zakad, demande à son éditeur Sid Ali Sekhri d'exécuter les termes du contrat de l'édition. Affirmant n'avoir reçu aucune réponse de son éditeur, il saisit le ministère de la Culture où on lui suggère d'écrire à l'ONDA. M. Sekhri finit par répondre et donne rendez-vous à M. Zakad. Contacté, M. Zakad nous a livré sa version des faits. “Jeudi (ndlr : le 4 février 2010), je suis parti au siège de la maison d'édition Mille-Feuilles, mais je ne l'ai pas trouvé là-bas. On m'a dit qu'il était au Café littéraire à la rue Zabana. Je le trouve attablé avec un monsieur et je reste dehors sur le trottoir. Il sort et m'appelle avec l'index. Le monsieur avec qui il était sort et me salue. Dans le café, il y a deux messieurs et une femme. Il m'a proposé de m'asseoir.” Mais Abderrahmane Zakad refuse de s'asseoir, argumentant que ce qu'il avait à dire ne pouvait être exprimé dans un café. M. Zakad poursuit : “Il était contrarié. Il m'amène dans une cuisine. Et je dis que je ne vais pas parler d'un contrat dans une cuisine. Après, je ne sais pas comment, il y a un mouvement puis il me donne un coup de tête sur le nez. Le sang coulait comme un torrent. En franchissant la porte, je me suis évanoui et j'avoue que je ne sais pas ce qui s'est passé après.” Après avoir déposé plainte, le dimanche qui a suivi cet incident, M. Zakad nous a déclaré qu'il devait subir une opération chirurgicale, car son nez était cassé, mais il a renoncé. “Je ne voulais pas exagérer. Je ne voulais pas le charger”, a-t-il clamé. Abderrahmane Zakad a également adressé une lettre à la ministre de la Culture. De son côté, l'éditeur Sid Ali Sekhri, largement offusqué, a déploré les allégations et les accusations que développe Abderrahmane Zakad vis-à-vis de lui. Dans une lettre que M. Sekhri adresse à la ministre de la Culture, il écrit : “Le jour J, il s'est présenté à “l'Île lettrée”. Attablé avec une amie, Mme Khodri, connue pour son itinéraire associatif, je lui proposais de s'asseoir à une table avant de le rejoindre. Refus violent de sa part : ‘Je ne suis pas venu pour m'asseoir à une table de café. Je suis ici pour un motif privé, je veux être reçu dans un espace privé.' Ayant compris qu'il n'était nullement venu pour m'exprimer ‘son affection', je lui proposais de rejoindre mon bureau situé à l'arrière du magasin. Arrivés dans ce lieu, il m'obligea à faire quitter ma collaboratrice de cet endroit.” Un incident et des vérités Sid Ali Sekhri donne sa version de l'altercation dans la lettre qu'il a adressée à Mme Toumi, en expliquant : “Une fois installé, je lui signifie mon désir de résilier le contrat et mon obligation de lui payer ses droits (chèque à l'appui), tout en lui demandant de ne pas faire d'esclandre dans cet espace que je construis patiemment depuis des mois. N'ayant pas terminé ma phrase, il se jeta sur moi, me déchirant mon tricot, m'assenant deux coups au niveau des oreilles avant de me saisir par les cheveux en criant. Surpris et essayant de me dégager, ma tête heurta violemment son visage. Du sang coula de son nez. Il prit la fuite en vociférant.” M. Sekhri appela le Samu et alla au commissariat du 8e arrondissement pour relater les faits au niveau de la main courante. L'affaire est en justice. L'éditeur, offusqué, nous fait part de son sentiment de persécution puisqu'il évoque le complot. “Un réel complot cherchant à détruire ce que j'ai conçu et construit”, dit-il. En outre, cette histoire n'aurait jamais dû sortir du domaine du privé. Les deux parties ont dégénéré au lieu de trouver une solution à l'amiable. Une fois encore, la culture en prend un sacré coup. Un coup dur et non sans conséquences. Dévoiler haut et fort une injustice est bien évidemment très noble, mais les deux protagonistes n'auraient jamais dû en venir aux mains, car ceci porte atteinte aux personnes elles-mêmes et cause préjudice à la culture en Algérie… en devenir. Quoi qu'il en soit, la justice tranchera.