Pour Ould Kablia, la déclaration de Kouchner n'est pas nouvelle. Beaucoup d'autres responsables français l'ont dit avant lui. L'expérience acquise durant les années en matière de gestion de l'information et du renseignement, notamment dès 1959, année charnière, a permis de mener par la suite en 1961 des négociations algéro-françaises avec une grande aisance. Grâce aux données recueillies par le service du renseignement et des liaisons, issu du Malg, le FLN aura lors de ces mêmes négociations (1961-1962) un terrain préparé même si des coups durs ont été portés par l'armée française en 1959 à certaines unités du Malg. C'est ce qu'a développé Daho Ould Kablia, président de l'AN/Malg, dans une conférence organisée hier au centre des études stratégiques d'Echaab sous le thème “Le Malg et la Révolution”. D'emblée, le conférencier a expliqué que ce genre de rencontre permet de mettre la lumière sur des pans de l'histoire de la Révolution qui reste mal connue de la majorité des Algériens. De même qu'il a tenu à clarifier, histoire de répondre à des questionnements, que le Malg n'a pas travaillé uniquement sous forme civile puisqu'une branche militaire était créée parallèlement, dont les hommes avaient une formation dans ce sens et opéraient en tant que soldats et percevraient leur solde comme tous les militaires. Le président de l'AN/Malg relatera les différentes étapes franchies par cette institution dirigée pendant plusieurs années par Boussouf, avant de confier la partie formation à Houari Boumediene. “Toutefois, la crise qui a touché le Malg, caractérisée essentiellement par un manque d'efficacité sur le terrain, a amené le ministre (Boussouf, ndlr), à reprendre toutes les décisions à son niveau. C'est d'ailleurs à partir de là, soit en 1959, que l'institution a repris en main la situation en réglant essentiellement la question de l'armement qui posait problème. On avait perdu beaucoup d'armes acheminées de l'étranger par bateau et que l'armée coloniale arraisonnait. La centralisation de toutes les opérations, notamment celles liées à l'achat d'armement a été donc plus concluante. Nous avons de ce fait réussi à conclure des contrats avec la Chine, la Yougoslavie, la Tchécoslovaquie et faire acheminer des milliers de tonnes d'armements y compris l'artillerie lourde (DCA) qui nous a permis, dès 1960, de faire des ravages sur l'aviation ennemie”, dira Ould Kablia. Ce dernier fera savoir qu'en matière de transmission, le Malg était très avancé. “L'acquisition pour la première fois des NGRC-9, équipement sophistiqué pour l'époque, a dérouté complètement l'ennemi. Même l'armée française ne disposait pas de ces appareils qui nous étaient d'une grande utilité pour parer et contrer les opérations ennemies et tout particulièrement les ratissages des zones montagneuses”, explique le conférencier. Pour l'histoire, Ould Kablia n'a pas manqué de rappeler les réticences de l'ancien président Habib Bourguiba qui s'est montré contre toute attaque des moudjahidine à partir du sol tunisien. Des réticences qu'on pourrait également lier à la proposition de la France de faire passer le pétrole de la région d'Edjelé par la Tunisie. Pour ce qui est de l'apport du Malg aux négociations algéro-françaises qui ont abouti au cessez-le-feu et au référendum, le conférencier a insisté sur le fait que le ministère de l'armement et des liaisons générales avait des informations sur les limites de la négociation. “À partir de 1960, le Malg avait toutes les décisions de concessions des sociétés qui travaillaient au Sahara. Pour contrer les majorettes (les grandes sociétés) comme New Jersey, CFPA, Royal Deutch, Shell, Total, Esso, etc… Abdelhafid Boussouf a rencontré Enrico Mattei, le directeur de l'entreprise italienne ENI. Ce dernier ayant compris les desseins des grandes entreprises de l'écarter du mouvement a aidé Boussouf. C'est ainsi qu'initié, le Malg a posé cinq conditions lors de ces fameuses négociations, à savoir la France ne doit plus, à partir de la proclamation du cessez-le-feu, faire passer de contrats, plus de modifications du statut des sociétés, ni les prix de vente du pétrole, ni le régime fiscal et, enfin, le respect de la souveraineté sur toutes les richesses du sol et sous-sol du Sahara”, fera savoir le président de l'AN/Malg. À la question de savoir quelle est la réaction du Malg à la déclaration du ministre français des AE, Bernard Kouchner, qui conditionne “la normalisation des relations franco-algériennes par la disparition de la génération qui a participé à la guerre de libération”, Ould Kablia, qui a éludé le sujet, s'est contenté de répondre que “Kouchner ne fait que répéter ce que les autres ont dit avant lui et particulièrement l'ancien président Mitterrand”.