Conformément à une arithmétique précise, les diplômés étrangers des universités britanniques doivent faire valoir un score de 95 points qui prend en compte principalement le niveau de leurs qualifications. La maîtrise de l'anglais constitue un second impératif. Il est attendu également que les requérants fournissent la preuve de leur solvabilité financière. Nedjoua est au Royaume-Uni depuis quelques mois. Elle a obtenu une bourse d'une année pour la préparation d'un master en biologie à l'université d'Oxford. Plus les jours passent, plus son désir de prolonger son séjour en terre victorienne s'accroît. Après le master, elle voudrait bien décrocher un emploi dans un laboratoire pharmaceutique à Londres. “Les opportunités professionnelles sont immenses ici. Je n'aurai aucun mal à trouver un poste compatible avec mes qualifications”, remarque l'ancienne étudiante de l'USTHB. Dans les arcanes prestigieuses d'Oxford, les chasseurs de têtes font la queue, à la recherche de recrues émérites. “Les étudiants brillants reçoivent des offres d'emploi, avant même la fin de leur cursus”, relate Nedjoua, rêveuse. Mais, dans son cas, la performance s'avère être un atout insuffisant. Sans la bénédiction des services de l'immigration, aucun labo ne peut la recruter. Depuis 2008, date de la mise en place en Grande-Bretagne du système d'immigration à points, les étudiants algériens, comme l'ensemble de leurs camarades des autres pays se trouvant en dehors de l'Union européenne, doivent s'engager dans une sorte de course à obstacles, pour obtenir un permis de travail à l'issue de leur cursus universitaire. Nedjoua parle de véritable parcours du combattant. “Je savais que ce ne serait pas facile. Mais pas à ce point”, dit-elle, circonspecte. Les points sont, en fait, un ensemble de paramètres sur lesquels les étudiants étrangers sont notés, dans la perspective de leur régularisation professionnelle. L'éligibilité des prétendants est calculée sur la base d'un score précis. Quatre-vingt-quinze points, au total, sont requis. Ils sont répartis en trois catégories. En premier lieu, les postulants doivent montrer qu'ils sont entrés au Royaume-Uni en qualité d'étudiants ou d'étudiants-chercheurs. Ils sont dans l'obligation de fournir des documents prouvant qu'ils ont accompli leurs études dans un des établissements britanniques de l'enseignement supérieur et, surtout, de les avoir achevées avec succès. Sans une attestation de réussite, les candidats n'ont aucune chance d'obtenir un permis de travail. Pour avoir accompli un parcours universitaire sans faute, Myriam, diplômée en interprétariat, a comptabilisé 75 points. Sa parfaite maîtrise de l'anglais lui a permis de récolter 10 points supplémentaires. Pour réussir complètement son examen de passage, il lui restait un dernier test à passer, celui de la solvabilité financière. La loi est claire. Il faut avoir un minimum de 800 livres d'économies pour prétendre à un permis de travail. La somme exigée doit paraître noir sur blanc sur un relevé de compte bancaire récent. Ce genre d'attestation est une pièce maîtresse dans le dossier d'éligibilité que les postulants transmettent aux services de l'immigration. Pour que leur requête soit examinée, ils doivent débourser 700 livres. “Il faut payer pour tout dans ce pays”, blague Myriam. Arrivée à Londres avant que le système d'immigration à points ne soit mis en place, elle s'est débrouillée tant bien que mal pour financer ses études, en multipliant les petits boulots à temps partiel. Sa passion pour la langue de Shakespeare l'a conduite tout naturellement sur les bords de la Tamise. Sur place, la liberté de ton lui donne envie d'embrasser le métier de journaliste. Combien d'autres étudiants algériens en fin de cursus ont-ils fait le choix de rester et de travailler en Grande-Bretagne ? Quasiment tous. Comme leurs camarades des autres nationalités, ils constituent une main-d'œuvre ultra-qualifiée que la Grande-Bretagne veut garder. En 2008, 42 000 diplômés originaires de pays situés en dehors de l'Union européenne ont obtenu des permis de travail. “Ce système nous permet de retenir les individus les plus doués”, confirme le Home Office dans un exposé de la nouvelle réglementation. Le système à points est le clone d'un prototype australien en application depuis quelques années. Ses concepteurs visent une immigration sélective qui prend uniquement en compte les aptitudes intellectuelles et professionnelles des postulants. Plus les diplômes sont importants, plus leurs détenteurs ont la chance d'obtenir le fameux sésame, qui leur ouvre la porte du pays de leur rêve. En Grande-Bretagne, cette démarche suscite des critiques. Des organisations non gouvernementales d'aide aux sans-papiers la décrivent comme élitiste. Ciblant exclusivement les ressortissants de pays situés hors de l'Union européenne, le système est accusé, en outre, de vider les pays en voie de développement de leurs cadres. Une fois qu'ils ont obtenu leur permis de travail, les diplômés étrangers des universités britanniques ont un délai de deux ans pour trouver un emploi. Mais, d'ores et déjà, certaines parties voudraient voir le processus inversé. En décembre dernier, une commission gouvernementale pour les questions migratoires a préconisé le durcissement des conditions d'attribution du permis de travail, en obligeant les requérants à faire valoir une promesse d'embauche préalable. Elle a également demandé aux services de l'immigration d'examiner plus rigoureusement le niveau des qualifications des candidats. Ses recommandations font suite à une enquête qui a révélé que 599 établissements d'enseignement d'où proviennent les diplômés ne sont pas des universités authentiques. Cette investigation a permis de savoir également que les bénéficiaires des permis de travail n'exercent pas tous des emplois hautement qualifiés. Intervenu sur la question, Phil Woolas, secrétaire d'Etat à l'immigration, estime que les employeurs britanniques ne doivent pas exploiter le système à points pour engager une main-d'œuvre étrangère au rabais, sous prétexte que les recrues ont des diplômes universitaires estampillés british.