Premiers essais nucléaires français en Algérie : cinquante ans après, l'Algérie continue de demander une reconnaissance des négligences graves pour la sécurité et la santé des populations, une réparation pour les victimes, l'ouverture des archives se rapportant à ces explosions qui sont actuellement frappées du sceau “secret-défense” et la réhabilitation des sites des essais. Le ministre des Moudjahidine a qualifié, en effet, hier les essais nucléaires français dans le Sahara algérien de “criminels” et de “violation de droits de l'Homme” recommandant de faire “pression sur les parties responsables de ces explosions” aux fins de soumettre à l'Algérie “l'ensemble des données théoriques et pratiques” sur ces expériences. Le ministre, qui intervenait lors du deuxième colloque international de deux jours sur “les explosions nucléaires dans le Sahara algérien”, organisé par son département au Cercle de l'Armée, pense que ces essais et explosions nucléaires font partie des multiples crimes commis contre notre peuple qui “avait refusé la domination coloniale sous toutes ses formes”. Selon lui, “connaître la vérité nous permettra de faire face aux effets des explosions, notamment le plutonium répandu dans l'atmosphère avec tous les effets dangereux pour les milliers d'années à venir”. Le ministre des Moudjahidine prend à témoin l'opinion nationale et internationale sur les retombées de ces essais nucléaires que le pays, en dépit du budget consacré, ne “peut faire face seul à ce fléau” rendant irréalisables les projets de développement dans les régions concernées par le sinistre. Le ministre dément la version officielle de la France, selon laquelle il a été utilisé, durant ces expériences, des mannequins et non des cobayes humains. “L'inconscience de la puissance coloniale l'a poussé à utiliser comme cobayes, des milliers d'Algériens qui étaient sur place : des nomades, des prisonniers et même quelques recrues de l'armée française, et ce, afin de mesurer la puissance de ces essais et en étudier les effets destructeurs”, réplique le premier responsables du département des Moudjahidine. L'Algérie reproche également à la France le non-respect de la méthodologie des expériences de ce genre, d'avoir exposé les populations à ce genre de risque et ne pas avoir mis hors d'état de nuire le matériel utilisé. Le fait de ne pas savoir à ce jour où sont enfouis les déchets des essais nucléaires exaspèrent les autorités algériennes. Le chercheur en génie nucléaire, le professeur Ammar Mansouri, est convaincu qu'un séisme qui surviendrait dans la région des Ekker pourrait faire surgir la radioactivité contenue à l'intérieur du sol. Au total 24 000 personnes, entre civils et militaires, ont été mobilisées pour l'exécution du programme entre 1960 et 1966, période déterminante pour la mise au point des principes de fonctionnement des têtes nucléaires de fabrication française. Les conséquences sanitaires sur les travailleurs, auxiliaires de l'armée française, sur la population locale ou nomade ont été dramatiques. Certains chercheurs soutiennent que ce chiffre est de loin plus important, le pays ne disposant que peu de données sur les populations algériennes et subsaharienne employées comme main-d'œuvre sur ces sites entre 1956 et 1966 et sur leur devenir sanitaire. Le silence observé par l'Algérie pendant longtemps sur cette tragédie est devenu une arme utilisée par la France pour se déculpabiliser, arguant que depuis son indépendance le pays n'a pas parlé d'une éventuelle pollution radioactive de la région de Reggane. Pour le professeur Khiati, président de la Fondation pour la promotion de la santé et le développement de la recherche, “si les autorités algériennes n'ont pas accordé, pendant longtemps, un grand intérêt à ce sujet, cela est lié notamment à un manque de moyens pour le faire, car ce n'est que depuis 1996 que le dossier est discuté à un échelon officiel”. Toutefois, cette réaction tardive “ne dégage en rien, dit-il, la responsabilité des autorités françaises qui avaient recensé les populations à la veille des essais, dont les médecins ont examiné de grands échantillons de cette population après les tirs et qui avaient institué un suivi médical de tous les éléments français jusqu'en 1968, date de leur retrait définitif du Sud”. Le professeur Khiati considère que la France doit aider plus à la décontamination de l'environnement et remettre aux autorités algériennes les statistiques, les dossiers médicaux et les cartes des emplacements des produits contaminés qui sont en sa possession. C'est un lourd héritage colonial que l'Algérie est en train de gérer tant bien que mal. Entre 1960 et 1966, pas moins de 3 sites ont été touchés par 57 expériences nucléaires d'une puissance totale de l'ordre de 600 KT de TNT. Soit 40 fois la bombe de Hiroshima, affirme le professeur Mansouri. L'Algérie considère que la loi du 5 février 2010 relative à la reconnaissance et l'indemnisation des victimes des essais nucléaires est formulée d'une manière ambiguë et instaure une responsabilité limitée, en n'abordant pas la question de l'atteinte à l'environnement et en ne reconnaissant le droit à l'indemnisation qu'à des personnes préalablement répertoriées et administrativement enregistrées auprès du ministère français de la Défense.