“Moi, j'aurais bien voulu balayer et démolir tout ça, et construire une maison en dur, avec tous les documents, mais à la commune, on m'a dit que ma maison se trouve dans une zone d'habitat précaire, de bidonvilles, à éradiquer pour reloger les habitants ailleurs. Rien à voir avec cette opération dont vous me parlez”, lance un citoyen à Chéraga. “Ce qui me gêne, j'ai érigé un commerce puis construit un petit baraquement dessus et un autre à côté pour les gardiens, pouvez-vous m'indiquer si je peux déposer un dossier de régularisation ? Comprenez, si je dépose un dossier, je veux le faire sans risque. Si je sors de la discrétion, autant que ce soit tout bénéfice, sinon pas la peine d'attirer l'attention sur moi, avec tout un dossier complet de surcroît. Vous n'y pensez pas ?”, s'indigne un autre, venu se renseigner aux alentours de la commune de Aïn Bénian. Dans une maisonnette toute propre, avec une minuscule cour et quelques plantes, du côté de l'Ecole de police de Aïn Bénian, et le froid glacial de l'humidité côtière hivernale, le propriétaire dit : “Je ne sais même pas par quoi commencer et dans quelle catégorie je rentre. Si j'ai des chances de me faire régulariser. Depuis huit ans que je suis là, je n'ai vu personne parmi les autorités venir ici”. Un autre affirme aussi : “Je suis là depuis 12 ans. Allez, ils ne vont pas nous expulser. Ils ont bien amnistié des criminels. Enfin… Pour le moment, du moins, je ne construirai pas l'étage supplémentaire que je projetais pour cet été.” Une jeune dame déclare : “J'habite là, seule avec ma mère. Avec tous les risques, je ne me sens pas en sécurité ici. Ce ne sont pas les habitants qui m'inquiètent mais tout le chemin à parcourir à pied tôt le matin pour aller à mon travail. Je n'hésiterai pas si je trouve un appartement dans un ensemble d'habitations, c'est plus sûr.” Un autre, encore, sortant d'une longue hémiplégie avec des difficultés certaines à se mouvoir et à marche : “J'ai construit cette maison dans les normes avec un plan fait par un architecte. Et j'ai construit dans les normes… sur un terrain communal qu'ils n'ont pas voulu me vendre à l'époque. Je suis tenté par cette régularisation. Mais avec mes difficultés de déplacement, je ne sais pas comment je vais faire en démarches répétitives et compliquées. Regardez mon voisin, un chanceux, trois téléphones portables, une 4x4 et téléviseur mural dans son salon, il passe son temps à téléphoner et à m'assurer qu'il n'aura aucun problème pour se faire régulariser. Il répète à qui veut bien l'entendre que tout s'achète et qu'il suffit d'y mettre le prix à la bonne porte”.