Qui sont-ils et comment opèrent-ils ? Voyage dans une sphère “souterraine” qui évolue en plein jour. Depuis que l'usage du téléphone portable s'est démesurément démocratisé à travers le pays, les cours des fruits et légumes, de plus en plus largement au-delà de la petite et moyenne bourse du consommateur, ne sont plus l'apanage conjoncturel du Ramadhan, des jours d'intempéries ou des veilles d'Aïd. Désormais, sur les étals, à un ou deux produits près, les tarifs affichés sont à longueur d'année quasiment inaccessibles. Pour les fruits, la mercuriale ne fait plus de différence entre le local et l'exotique, pourtant produit à des milliers de lieues d'ici. L'alibi de l'offre et de la demande ne tient plus debout du moment que souvent la pluviosité abondante n'a plus d'impact bénéfique, et la “flambée” des prix s'enclenche justement quand la récolte du produit agricole considéré bat son plein. Selon le moment et le fruit ou légume, sécheresse, pluie, grêle, inondations, intempéries, routes coupées, champs inaccessibles, pénurie de main-d'œuvre, Aïd ou jour férié, rupture de stock, mildiou ou autre maladie, la batterie des prétextes est particulièrement fournie, mais rarement on ose pointer un doigt accusateur du côté des intermédiaires. Par moments, lors des crises cycliques aiguës, officiels et assimilés s'en lavent les mains et accusent les spéculateurs. Sinon, le reste du temps, ils accaparent totalement le marché, devenu le leur, en attendant qu'un quelconque Etat se manifeste ! Qui sont-ils et comment opèrent-ils ? Voyage dans une sphère “souterraine” qui évolue en plein jour. Pour la plupart, ils proviennent du milieu rural et des bassins maraîchers en particulier. Ils ne sont pas agriculteurs car ils ne possèdent pas de terre, et s'ils possèdent un lopin, en propre ou en indivision, ils ne peuvent pas en vivre en raison de sa superficie réduite, sinon de l'indisponibilité de l'eau. Ils ne sont pas mandataires ni marchands de fruits et légumes, car ils ne sont pas légalement établis. Ils ont investi le segment de la distribution entre le producteur et le consommateur. Ils sont inconnus de l'administration fiscale et ignorés par le centre du registre du commerce dont la nomenclature des activités ne prévoit même pas la leur. Une activité qui relève davantage du parasitisme que du rôle de maillon complémentaire dans le circuit de la distribution des produits agricoles. Faisant fi de la légalité, ils soutiennent haut et fort qu'ils ne “volent” pas et ils s'adjugent le caractère “halal” de leur activité commerciale. Et ils sont nombreux, ceux qui ignorant l'effet “néfaste” de leur parasitisme dans la formation des prix de la marchandise, à les soutenir dans cette thèse du “halal”. “Veux-tu qu'ils aillent voler ou grossir les rangs des délinquants ?” vous diront certains, dont des officiels, en défenseurs de cette catégorie “professionnelle” qui fausse toutes les données du marché des fruits et légumes. Les mandataires légalement établis y voient un sérieux et redoutable concurrent les ayant privés d'imposer leur diktat à l'agriculteur qui, autrefois, n'avait pas d'autres débouchés que ces mandataires dont la mission était de prélever une commission convenue. En ce temps-là, le “souk” était clair et transparent. L'agriculteur livrait le gros de sa production au marché de gros le plus proche, et la loi de l'offre et de la demande était l'unique régulateur du marché. De nos jours, pratiquement, plus aucun produit agricole, local ou exotique, n'échappe aux intermédiaires. Certains sont spécialisés par filière, à l'instar des “parasites de l'olive” qui, au moment de la récolte de ce produit, se chargent d'alimenter les unités de conditionnement de la région de Sig, en se livrant à un ratissage systématique à travers toute l'Oranie. D'autres demeurent polyvalents dans le créneau du maraîchage et actifs à longueur d'année. Sans la moindre inquiétude sur les routes, du moment que personne n'osera s'enquérir de la légalité de leur activité, ils opèrent à l'échelle locale, régionale et même nationale ! Au niveau des barrages, on s'intéresse au volet réglementaire inhérent au code de la route et à un degré moindre à la provenance, peut-être contrebandière, de la marchandise transportée. En ville et en dehors, sur la voie publique, n'importe qui jouit d'une totale liberté d'exposer et de vendre n'importe quoi. Aucun agent d'un quelconque service compétent n'osera vérifier la légalité de son activité. Une activité dont l'exercice requiert un véhicule, généralement une camionnette, un téléphone portable et un modique capital.