À Constantine, le dernier double accident, survenu l'un à Zouaghi et l'autre à Zighoud-Youcef, plaide pour une autre approche de prévention basée sur un diagnostic fait dans la sérénité. À moins de deux mois de leur entrée en vigueur, les nouvelles dispositions régissant le code de la route ne font toujours pas l'unanimité à Constantine. Que ce soit sur les ondes de la radio locale, dans les pages de la presse locale ou encore dans les discussions quotidiennes, les Constantinois ne se gênent pas pour disqualifier le nouveau texte. Pourtant, le gouvernement et les élus en ont fait la mesure salutaire. Autant les habitants de la capitale de l'est du pays croient que la rigueur dans l'application de la loi est une fondamentale sociale, autant ils jurent que la dernière majoration, à l'extrême, des sanctions ne servira qu'à accentuer les passe-droits au profit des uns et le sentiment de la hogra chez les autres. “Si aucun texte n'a vraiment porté à ce jour, c'est parce que tout doit commencer par l'utilisation rationnelle des agents de la direction des transports, par plus de moralisation au sein des corps des services de sécurité et par le recours aux compétences et non aux clientèles pour le diagnostic du problème et la proposition des textes de loi”, nous explique un ancien agent de l'ordre à la retraite, qui a pris attache avec notre bureau. Pour un chauffeur de taxi travaillant sur la ligne suburbaine, c'est carrément une invitation à laisser sa voiture au garage. “Il est impossible de vérifier l'état des feux de stop quand on circule en agglomération et à 10 km à l'heure. Le défaut peut survenir à tout moment et, avec, une prime qui équivaut à quatre jours de travail”, se plaint Salim. “Ce n'est pas le feu de stop qui est la cause des accidents les plus graves pour qu'on associe à sa défaillance une pénalité allant jusqu'à 30% du SNMG, une folie”, continue notre interlocuteur. Même constat est fait sur les ondes de Radio Constantine par des auditeurs. “Depuis des années, on s'acharne, au centre-ville, contre les propriétaires des véhicules, même les taxis ne sont pas autorisés à déposer les touristes devant les hôtels. Aujourd'hui, on y ajoute les piétons comme si aucune leçon n'est tirée des statistiques. Ce n'est pas le centre-ville qui connaît le plus d'accidents ni les usagers de la circulation urbaine qui sont derrière les catastrophes”, fait remarquer une victime des accidents de la circulation. Chez cette dernière, le verbe est sévère. Elle se dit victime non pas des accidents de la circulation mais de l'incompétence de ceux censés gérer ce problème. Des actions simples mais exigées aussi bien par le bon sens que par la législation sont oubliées. Les uniques feux rouges du carrefour de la place du 1er Novembre, à l'inverse de ceux d'usage à travers le monde, ne portent toujours pas l'indication priorité aux piétons. Un carton rouge pour toute la commission de la circulation de la wilaya. Pis encore, les points noirs de la ville de Constantine, en matière d'accidents de la circulation en milieu urbain, n'ont pas été traités. Les plus graves accidents de la circulation, où sont impliqués des piétons ont eu lieu à hauteur des accès à certains quartiers populaires. Ici, rien n'est fait comme s'il s'agissait de territoires dépendant d'une autre république. Sur le boulevard de l'est, à hauteur de la mosquée Abdelaziz, au niveau de l'accès à la cité Sakiet Sidi Youcef, toujours pas de passage pour piétons. Pis encore, l'arrêt de bus est situé à même l'intersection menant à la cité avec l'aval, du moins tacite, et du service d'ordre et de la direction des transports. Pourtant, ici, plusieurs enfants ont perdu leur vie et plusieurs voitures ont été dirigées directement vers la casse. Dans cette cité du quartier de Oued El Had, c'est un no man's land qui a été vécu la semaine dernière au rythme des émeutes. On s'interroge pourquoi les jeunes des ces cités recourent à la vendetta pour régler leurs comptes ne faisant pas confiance à la police ou à la justice ? À cause de cette anarchie qui se grave dans le subconscient, les enfants, et dès le bas âge, apprennent que dans ces lieux, il n'y a pas de règles à respecter et que l'ordre et ses services sont pour les autres. Près de 20 ans après les travaux des défunts martyrs Liabès, Boukhobza et Boucebci, on se retrouve à la case départ comme si l'intelligence avait déserté, et à jamais notre pays. À Constantine, la quasi-totalité de l'organisation de la circulation est illégale, voire criminelle. À titre d'exemple, des stops sont toujours placés dans des endroits où, s'ils sont respectés, causeront de graves accidents mortels. En centre-ville, ce sont les mêmes personnes qui commentent les infractions avec tous les égards des agents de l'ordre, s'est plaint cette semaine, un auditeur de la radio locale. Sur les grandes routes, les camions, notamment ceux transportant du gravier avec juste un semblant de bâche de protection, ne sont pas inquiétés. Or, ces derniers vous obligent à doubler dans des situations suicidaires pour éviter de voir le pare-brise de votre voiture vous éclater sur la figure. Sur une route nationale, une file de camions de gros tonnage vous oblige à rouler, une heure durant, à 10 kilomètres à l'heure. Aucun chauffeur ne pourra être tenté de doubler à ses risques. Pourtant, il suffit d'appliquer la loi relative au tonnage transporté et d'un peu de bon sens chez les agents de l'ordre au niveau des barrages pour éviter cette cadence et ces files compactes. Aujourd'hui, à Constantine, et les gens ne se privent pas pour le dénoncer sur les ondes de la radio publique locale, le dernier texte, inefficace sur le terrain selon les premiers bilans avec une hausse des accidents depuis son entrée en vigueur, n'est qu'une parade pour récolter plus de fiscalité ordinaire afin de pallier à la diminution de la fiscalité pétrolière. Au moment de la rédaction de cet article, deux accidents ont eu lieu l'un à Zouaghi, l'autre à Zighoud-Youcef. Les deux sinistres, qui ont fait 28 blessés, ont été causés par des engins de transport de voyageurs, les deux assurant des lignes interurbaines. Il s'agit, malheureusement, d'une preuve par le drame que les priorités des actions de lutte contre cette délinquance sont ailleurs que dans le dispositif en cours. D'ailleurs, ce dernier commence déjà à s'essouffler, mais pas la comptabilité macabre.