Rencontrer un grand chef de cuisine étranger n'est pas une mince affaire pour un confrère algérien. Les cuisines d'ailleurs étant en perpétuels mouvements bénéficient d'une véritable politique de promotion et de rayonnement. Le statisme qui frappe cette forme d'expression chez nous laisse planer le doute chez les professionnels du secteur, toujours à se demander s'ils sont à jour. L'opportunité de rencontrer un étoilé de la cuisine française qui rayonne sur la scène gastronomique de son pays est précieuse. Le personnage est imposant, par sa stature d'abord, un port de meneur d'hommes. Une rosette à la boutonnière vient ajouter au charisme qu'il dégage au premier contact. Un impressionnant CV confirme le tout. Les urbanités échangées, aux présentations, le nom de Le Divellec, aux consonances bretonnes, évoque naturellement la mer. Mais pas seulement. Il est le tenant d'une culture mixte où se marient intimement la terre et l'océan. L'héritage culturel de Jaques aurait pu en faire l'auteur d'une cuisine bretonne de produits, où il se serait contenté de conjuguer le poisson aux produits de la terre dont s'enorgueillit la province de ses ancêtres. Déjà de quoi faire largement le bonheur d'un cuisinier. Le destin de Jaques en a décidé autrement. Son père migre plus au sud, toujours sur les côtes de l'Atlantique, une naissance parisienne, un séjour en Auvergne, enrichiront ses connaissances des terroirs de son pays. Ses parents qui tiendront une auberge lui transmettront la fascination de la magie des fourneaux. À 16 ans, il entre en cuisine pour ne plus en sortir. Plus d'un demi-siècle aux fourneaux. Même son service militaire s'y accomplit. Curieux, entreprenant, innovateur, Jaques Le Divellec a compris très tôt l'importance des produits de la mer dans l'alimentation humaine. Loin de toute mode, dans les années1960, il ouvre son premier restaurant sur le thème de la mer à La Rochelle. Aujourd'hui, il en est à son troisième établissement. Tous les trois sont 2 étoiles dans le Michelin. L'un d'entre eux, situé à Paris, est un des établissements les plus courus par les stars du showbiz et du monde politique. Infatigable, Jaques le Divellec est aussi l'auteur d'une douzaine d'ouvrages sur la cuisine du poisson. Sa dernière parution, la treizième, s'est éloignée des côtes pour nous introduire dans l'anthropologie alimentaire : À table avec Moïse, Jésus et Mahomet, paru chez les éditions Solar, plaide pour un syncrétisme culinaire. Jaques le Divellec est venu à Alger, justement pour s'informer sur nos us de table. Il a des projets dans notre pays. En tant que maître cuisinier, il est conseiller au Commerce extérieur de la France depuis 1977. RECETTE Fidellos* tostados Pour 6 personnes Préparation : 15 minutes Cuisson : 15-20 minutes Ingrédients : - 3 grosses tomates - 2 cuillerées à soupe d'huile d'olive - 500 g de vermicelles - 100 g de riz long - 1,5 litre de bouillon de volaille - 1 cuillerée à café d'origan - 1 petit bouquet de coriandre fraîche Préparation : Ebouillantez les tomates pendant quelques secondes, pelez-les et hachez-les grossièrement. Dans une poêle, faites chauffer l'huile d'olive et faites-y revenir les vermicelles et le riz sur feu moyen avec les tomates pendant quelque minutes. Mouillez avec le bouillon de volaille, ajoutez l'origan, salez, poivrez. Laissez cuire de 10 à 15 minutes, jusqu'à ce que tout le liquide ait disparu. Versez les fidellos dans un plat creux. Ciselez la coriandre, parsemez-en la préparation et servez chaud. * fdaouche NDLR : Cette recette, tirée de l'ouvrage À table avec Moïse, Jésus et Mahomet, illustre à merveille le syncrétisme culinaire dont se prévaut l'ouvrage de J. Le Divellec. Les fidellos, introduits par les musulmans en Espagne, sont passés à la tradition séfarade et puis au patrimoine de l'Espagne chrétienne. Momo [email protected]