Méziane Chérif se remémore, dans ces mémoires, son enfance, sa ville natale d'El-Eulma d'où il reconstitue, avec cette naïveté qui habite tout enfant, l'histoire de la Révolution, à l'échelle de son village, de la misère de l'époque, partagée par la grande majorité des Algériens, et de son départ en France. Avec modestie, l'auteur avoue qu'il ne fait qu'apporter une pierre à la “restitution de l'histoire”, et qu'à ce titre, il n'a aucune prétention sur son histoire, sauf raconter la sienne, qui est fabuleuse. Il le dit dès la première page de l'avant-propos. C'est, on le saura au fil de la lecture et des pages, une réponse adroite et polie à ceux qui écrivent sur cette tranche de l'histoire de la Révolution, sur des sujets où ils ne font que surfer sur certains points précis. Méziane Chérif se remémore, dans ces mémoires, son enfance, sa ville natale d'El-Eulma d'où il reconstitue, avec cette naïveté qui habite tout enfant, l'histoire de la Révolution, à l'échelle de son village, de la misère de l'époque, partagée par la grande majorité des Algériens, et de son départ en France. C'est, incontestablement, cette seconde partie qui est intéressante car elle décrit, avec une grande précision, ces combattants de l'ombre qui formaient la structure de l'Organisation spéciale. D'Avignon à Marseille, en passant par Grenoble, le jeune Abderrahmane prend Allaoua comme nom de guerre — Didier Jean-Louis, celui porté sur ses faux papiers — et s'est mis au service de la Révolution et des responsables pour porter la guerre en France. Le premier fait d'armes avait consisté à tuer le commissaire Chaboux, personnage odieux. Mais celui qui fera la une et occupera pendant plusieurs jours les manchettes des journaux et l'ouverture des bulletins d'information reste sans conteste la destruction des cuves à pétrole de Mourepiane, situé dans le port de la cité phocéenne. Le sabotage a eu lieu dans la nuit du 24 au 25 août 1958, le jour même où avait été rendu public le premier gouvernement provisoire. Par cette action d'éclat, la révolution algérienne s'est véritablement installée au cœur de la France coloniale. Près de 3 millions de litres de pétrole partis en fumée et 7 sur les 14 cuves ont été endommagées par des bombes artisanales placées sous le ventre des réservoirs. Toutes les polices de Marseille ont été mobilisées pour mettre la main sur l'organisation. Arrêté chez lui, avec son chef Aïssaoui et sa compagne de lutte Nadia, Allaoua est torturé avant d'être présenté devant la justice militaire où il est condamné plusieurs fois à mort. N'était l'appui d'une brochette d'avocats prestigieux, comme Maîtres Oussedik et Vergès entre autres, qui ont usé de tous les vices de procédure pour traîner en longueur le procès, Méziane Chérif serait passé à l'échafaud. Libéré avec le cessez-le-feu, il occupa plusieurs postes dans les rouages de l'Etat de l'Algérie indépendante dont il promet des révélations sinon des lectures sur les différents éléments de blocage du pays. Mourepiane : l'armée des ombres est un livre à lire pour plusieurs raisons dont la plus importante est qu'il est sorti des entrailles et de la mémoire d'un acteur de ce point précis de la lutte de libération nationale. Par ailleurs, l'auteur fait appel à cette même mémoire pour rendre hommage d'abord aux femmes qu'il a connues comme compagnes d'armes, telles que Nadia, Tassadit et Zina. Il n'a pas oublié les autres qui ont travaillé dans l'ombre et dont il ne connaît rien, sinon le nom de guerre, le courage qui les animait et cette sincérité qui les guidait. Rien que pour cela, ce livre est à lire parce qu'en plus il apporte aux historiens un matériau précieux sur l'Organisation spéciale qui a toujours travaillé dans l'anonymat. * La Guerre d'Algérie en France. Mourepiane : l'armée des ombres, d'Abderrahmane Méziane Chérif, éditions Edif 2000 (Algérie)/Publisud (France), 234 pages, février 2010.