Il s'apprête à légiférer par ordonnance un texte sur la monnaie et le crédit. Une tentative déguisée de faire passer en force son projet de loi sur les hydrocarbures. Le président de la République s'apprête à légiférer par ordonnance un texte de loi sur la monnaie et le crédit. Son adoption éventuelle ouvrirait les portes à de graves dérives. La première dérive consiste à vouloir contourner le Parlement pour adopter des textes de loi. S'il est dans les prérogatives constitutionnelles du chef de l'Etat de recourir à l'ordonnance, celle-ci ne peut être envisageable que dans un cas d'extrême urgence. Or, il n'y a pas urgence à faire passer un texte que les députés auront tout le loisir de discuter, lors de la prochaine session parlementaire. De toute évidence, Bouteflika entend se passer de l'Assemblée pour une raison essentielle : déposé sur le bureau de l'APN, ce nouveau de texte serait taillé en pièces par les députés majoritairement acquis au FLN. Ce dernier, parti en guerre ouverte contre le clan présidentiel, n'est nullement disposé à donner son aval à un texte de loi dont la finalité est de livrer les richesses du pays aux investisseurs étrangers, particulièrement les Américains. Pour ne pas devoir essuyer le refus du Parlement, l'équipe présidentielle opte dès lors pour le coup de force feutré. Pourquoi recourir à l'ordonnance ? C'est simple, affirment des responsables de l'UGTA. C'est la meilleure façon de faire passer la loi sur les hydrocarbures dont le rejet fait le consensus autour de la classe politique. C'est donc une loi maquillée. N'ayant pas pu obtenir la caution du FLN et de l'UGTA pour adopter le projet de loi sur les hydrocarbures, jugé extrêmement dangereux pour l'avenir du pays, l'équipe présidentielle opte pour la tactique du maquillage. Si le texte venait à entrer en vigueur, ce sont les richesses du pays qui échapperaient aux Algériens. En premier lieu, l'argent de Sonatrach. Deux personnes ont principalement travaillé sur le document : le ministre des Finances, Abdelatif Benachenhou et le ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil. Deux hommes qui obéissent au doigt et à l'œil au Président. Bien pire, Chakib Khelil n'est autre que l'homme de main des Américains (lire l'article de Nacer Lamine). N'a-t-il pas été dépêché spécialement à Washington par Bouteflika pour rencontrer un haut responsable américain quelques heures après qu'il eut été conspué à l'université de Constantine. La conférence d'explication de l'avant-projet de loi sur les hydrocarbures avait tourné en foire d'empoigne quand ses opposants ont fait irruption dans la salle. Bouteflika fut obligé de mettre le texte sous le coude. Il restait à rassurer les Américains sur les bonnes intentions de la présidence. D'où le voyage express de Khelil aux Etats-Unis. Objectif : convaincre le lobby pétrolier américain de la détermination du clan présidentiel à leur ouvrir grandes les portes du marché pétrolier algérien. Pour donner davantage de crédit à la thèse selon laquelle Bouteflika est sous la coupe des Américains, un confrère annonçait, tout récemment, que Bouteflika avait déjà négocié les clés de Sonatrach avec la CIA en 1999. Une révélation aussi grave n'a pas suscité le moindre commentaire ni de la présidence ni du premier ministère. Un diplomate affirmait, hier, à Liberté, que tout ce qui reste à donner comme cadeau aux Américains en échange d'un éventuel soutien pour un second mandat est le sous-sol du Sahara. Sonatrach, en échange d'une seconde présidentielle, voilà donc le marché que s'apprête à conclure le clan de Bouteflika par le biais de cette ordonnance. Il demeure un problème. La réaction de la Centrale syndicale. Désormais extirpée du giron présidentiel, maintenant qu'elle affiche un soutien à peine déguisé au candidat du FLN, l'UGTA n'a rien à perdre à s'opposer frontalement au gouvernement et à la présidence. Ahmed Ouyahia a été averti : si l'ordonnance est promulguée, le gouvernement devra faire face à une sérieuse fronde. Dans la bouche d'un syndicaliste : “Ça sera la guerre !” F. A.