Le journal en ligne TSA rapportait, il y a quelques jours, une déclaration de Tayeb Belaïz, selon laquelle Bouteflika “peine à trouver six personnes intègres pour diriger l'organe de lutte contre la corruption prévu par la convention des Nations unies, ratifiée par l'Algérie”. La loi relative à la prévention et la lutte contre la corruption, inspirée par la Convention internationale, a été promulguée en février 2006. Mais quatre ans plus tard, le gouvernement ne l'a toujours pas mise en œuvre. En toute logique, le projet d'un observatoire de la corruption “avec pouvoir répressif” que Ouyahia a annoncé met fin à un projet mort-né depuis quatre ans. Le ministre de la Justice, qui nous fait la révélation sur la difficulté rencontrée par le président de la République dans sa quête d'hommes probes, ne nous dit pas quand ni où le Président a cherché ces “messieurs propres”. Pas moyen donc de détecter six incorruptibles parmi des millions en quatre ans ? C'est vrai que les représentants de la race des justes se font rares dans le paysage public, mais ce n'est pas une raison pour que la “minorité visible” d'intrigants et d'aigrefins dissimule à notre vue l'immense majorité des citoyens honnêtes. Si, donc, on ne désespère pas du potentiel national d'intégrité, c'est du côté de la méthode et des instruments de prospection qu'il faut chercher le défaut. Après tout, pourquoi ne faut-il que six personnes intègres, alors que toutes les institutions publiques méritent d'être pourvues de personnels loyaux envers la Fonction publique ? Osons donc espérer que l'exigence de scrupules concerne l'ensemble des fonctions pourvues par la procédure de nomination ! Car, si l'on prend la déclaration de Belaïz à la lettre, on n'aura pas été, jusqu'ici, exigeant sur la qualité morale des nominés, de sorte que l'intégrité, pour une fois posée comme critère premier de choix, devienne une entrave à la dotation en ressources humaines d'une institution. C'est vrai que la banalisation des traficotages et de la concussion peut, au point où elle est, désenchanter le plus optimiste des chasseurs de consciences. Mais qu'a-t-on fait pour éloigner les candidatures véreuses et attirer les plus probes ? Si vraiment la mise en activité de l'organe prévu par la loi du 20 février 2006 a été empêchée par la pénurie d'hommes “intègres”, le fait doit d'abord interpeller le pouvoir qui édicte les critères d'accès aux fonctions officielles et conduit leur application. Or, en l'état actuel de la morale de gestion, il serait inconvenant de prétendre que la prolifération de la corruption profite de la seule absence ou de la carence d'organes de contrôle, d'observation ou de répression. C'est une activité constitutive du système politico-économique national. Loin de dépendre de la qualité éthique du personnel de gestion, c'est elle qui trace le profil de candidat type aux fonctions de gestion. De ce point de vue, il n'est pas étonnant que la prospection d'individualités irréprochables devienne délicate. On sait que beaucoup de cadres approchés pour telle ou telle responsabilité déclinent parfois l'offre, pourtant a priori valorisante, parce que “le contexte” ne les encourage pas à l'aventure. Pour qu'un Eliot Ness se révèle, il fallut la résolution rédemptrice d'un président Hoover. M. H. [email protected]