Indexée comme un des pays présentant un taux élevé de corruption, l'Algérie réagit pour se donner plus de crédibilité dans ses actions de réforme. De nouveaux textes de lois relatifs à la prévention et à la lutte contre la corruption, ont été élaborés par des magistrats et des experts et seront débattus et adoptés, très prochainement à l'APN, puis publiés au Journal Officiel et mis en application aussitôt. Ledit projet de loi comprend 74 articles répartis en six chapitres: dispositions générales, mesures préventives, l'organe chargé de la prévention et de la lutte contre la corruption, incriminations et peines, coopération internationale et recouvrement des avoirs algériens à l'étranger. Afin de garantir un maximum de transparence dans les transactions, les mesures préventives ne s'adressent pas seulement au secteur public et aux représentants de l'Etat, mais elles concernent aussi le secteur privé. Le projet prévoit principalement la création d'un organe spécialisé qui sera rattaché à la présidence de la République, afin qu'il soit éloigné de toute interférence. Les textes de loi lui prévoient de larges prérogatives, aussi bien en matière de lutte anti-corruption directe que sur les plans de la prévention, la détection et les investigations. Cet organe disposera de divers canaux d'information directe pour l'alimenter. Le ministère de la Justice lui fournira les documents nécessaires d'accès à l'information et à la levée du secret concernant les avoirs bancaires, commerciaux ou autres, des personnes ciblées. Au plan de la terminologie, et pour définir un maximum de précisions, l'objet de la corruption, les «nouveautés» risquent de cibler beaucoup de responsables (si on pense que les lois peuvent commencer «par le haut»). Ainsi donc, est «produit de crime», tout bien provenant directement ou indirectement, de la commission d'une infraction ou obtenu en la commettant de quelque façon ou que ce soit. Une réforme nécessaire La gestion des finances publiques et la passation de marchés publics (les deux grosses tirelires d'où puisent bon nombre de responsables algériens) sont désormais mises sous la loupe des articles 9 et 10. L'indépendance de l'organe contrôleur est assurée par une série de mesures afin de le prémunir contre toute forme de pression, d'intimidation et de menace. Cet organe proposera une politique globale de prévention de la corruption consacrant les principes de l'Etat de droit et reflétant l'intégrité, la transparence ainsi que la responsabilité dans la gestion des affaires publiques et des biens exploités. Mais il sera surtout présent pour collecter, centraliser et exploiter les informations qui peuvent servir à détecter et prévenir les actes de corruption notamment. L'organe aura pleins pouvoirs de recourir au ministère public en vue de rassembler les preuves et de faire procéder à des enquêtes sur des faits de corruption. Lorsque l'organe conclut à des faits susceptibles de constituer une infraction à la loi pénale, il transmet le dossier au ministère de la Justice, garde des Sceaux, qui saisit le procureur général compétent aux fins de mettre en mouvement l'action publique. Les incriminations, une fois établies, sont passibles d'emprisonnement. Le fait de promettre, d'offrir ou d'accorder à un agent public un avantage indu afin qu'il accomplisse ou s'abstienne d'accomplir une action en relation directe ou indirecte avec l'accord, constitue désormais un délit. Tout comme le fait pour un agent public de solliciter ou d'accepter un avantage indu, afin qu'il accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte relevant de ses fonctions. Indexée comme un des pays présentant un taux élevé de corruption, l'Algérie réagit pour se donner plus de crédibilité dans ses actions de réformes entreprises depuis plusieurs années, mais bloquées par un état de fait de corruption généralisée difficilement gérable. Corruption land L'étendue des dégâts est, en fait, considérable. La corruption a fait partie du système même, de sorte qu'il était devenu du domaine du cocasse ou du facétieux de parler de responsables intègres. Dans son dernier rapport, rendu public en octobre 2005, l'Algérie a été épinglée par Transparency International. Classée à la 97e place, en 2003 et 2004, elle avait obtenu des résultats tout aussi peu flatteurs, et cette mauvaise réputation, elle la partage avec des pays comme le Malawi, Madagascar ou le Mozambique... L'Etat lui-même est considéré comme coupable en ce sens où il a laissé en panne ses systèmes de contrôle : tout en regardant se former et se constituer des fortunes colossales dont la provenance n'échappe à personne. Washington estime qu'en général, «tous les pays arabes sont corrompus» et pousse politiquement vers les réformes que constitue son projet du Grand Moyen-Orient. En Algérie, ce n'est pas tant la loi qui fait défaut, mais son application. Depuis vingt ans, nous avons assisté à une corruption qui n'est plus contrôlable. Elle concerne tout le monde, du petit agent des postes ou de l'APC aux plus hauts responsables. Quand la loi n'est pas piétinée, devant tous et séance tenante, elle est contournée, manipulée, travestie, triturée et interprétée. Mais le langage populaire l'adopte et elle devient une «tchipa» chez les jeunes ou un «café» (kahoua) chez les gens bien intentionnés. Il y a une semaine, Tayeb Belaïz s'insurgeait contre l'inapplication des nouvelles lois introduites dans la justice algérienne. On peut penser qu'il en sera de même pour les nouvelles lois contre la corruption. Mais par où commencer? «Par le haut» et là, personne ne se fait d'illusions sur les résultats, ou «par le bas » et là, cela préfigurera une «chasse aux petits délinquants». La question se pose en termes simples...