Trois mille hommes (administration, soutien et manutention), plus de 700 camions et des dizaines d'agents de la force publique et de la Protection civile sont quotidiennement mobilisés durant toute l'opération de relogement. Le programme visant l'éradication de l'habitat précaire, annoncé récemment par le wali d'Alger Mohammed Kebir Addou, a été entamé par le relogement, la semaine dernière, de plus de 300 familles de Diar Echems. Dans le respect de l'exécution de ce même programme, devenu le cheval de bataille du premier responsable de la wilaya, le relogement du bidonville Doudou-Mokhtar, dans le quartier du Val d'Hydra, a débuté mardi dernier. Une autre opération qui mobilise toute une série de mesures méconnues de beaucoup de gens. Il est vrai que peu d'initiés savent qu'une telle action nécessite pour sa réussite une armada de moyens humains et une logistique pas des moindres. Nous avons suivi le déroulement de cette opération durant une journée pour constater en effet qu'il est loin de penser qu'elle est de tout repos. 3 000 hommes, entre agents et responsables d'administration, de soutien et de manutention, plus de 700 camions et des dizaines d'agents des forces de l'ordre et de la Protection civile sont quotidiennement mobilisés jusqu'à la fin de l'opération qui peut durer une semaine ou plus. Pendant que deux responsables, le directeur du logement, Mohamed Smaïl, et le DG de l'OPGI d'Hussein Dey, Mohamed Rehaïmia, aidés de leurs équipes, sont à la réception des familles à Tessala El-Merdja, deux autres responsables, le directeur de l'urbanisme, Abdelkader Djellaoui, et le DTP, Mohamed Rabhi, supervisent le déménagement et la démolition des îlots de baraques vidées de leurs occupants. À l'entrée du site d'accueil, Tessala El-Merdja, une procession de camions sur des centaines de mètres attendent la finalisation des formalités avec les organisateurs pour déposer leur chargement. Le directeur du logement est au four et au moulin. Il coordonne toute arrivée avec ses éléments avant de leur prodiguer les orientations nécessaires. Ses proches collaborateurs dirigent les familles, dont les formalités ont été accomplies, vers leur nouveau logement. Ils travaillent en étroite collaboration avec les agents de l'OPGI. Le DG de cet office a mis son bureau dans le QG installé pour l'occasion et où il reçoit les familles ayant un éventuel recours à émettre. Le lieu est également improvisé pour répondre aux questions des gens de la presse. “Nous sommes agréablement surpris par la qualité des logements” Le site de Tessala El-Merdja, qui comprend 1 310 logements dont la moitié de type F2 et l'autre moitié de type F3, est inscrit dans le plan quinquennal 2005-2009. Il s'étend sur plus de 17 hectares, ce qui lui donne l'avantage d'être doté d'aménagements extérieurs dont peu de sites en disposent. Des rues en allure de boulevards, des espaces verts bien agencés, des carrefours soignés, à l'image du carrefour Djellaoui, des aires de stationnement spacieuses, un éclairage public moderne, des services d'utilité publique, une école primaire en voie de réalisation, un lycée à lancer prochainement. La description des bonnes choses ne s'arrête pas là et le dicton bien de chez nous “Ya limzouek men barra…”, ne s'applique pas à cette cité. Dans ces logements, la qualité prime, et ce n'est nullement dithyrambique. Il faut en effet voir pour croire que la qualité n'est pas un vœu pieu. De l'entrée de l'immeuble jusqu'à l'intérieur des logements, rien n'est laissé au hasard. Bois d'acajou, escaliers en marbre, mosaïque et Nevadas dans la cage d'escalier, de la dalle de sol, cuisine et salles d'eaux en belle faïence. Bref, des logements comme ça, on en veut. De toutes les familles que nous avons rencontrées, aucune n'a manifesté la moindre déception. Bien au contraire. “Nous sommes agréablement surpris par la qualité des logements. Sincèrement, on ne s'attendait pas à pareille perfection et de surcroît pour des logements sociaux”, dit une dame pendant que son mari ne contrôlant pas son émotion versera quelques larmes avant de reprendre : “Cela fait plus de vingt ans que j'attends ce jour. Je ne trouve pas les mots pour remercier les autorités de mon pays, le Président en premier lieu et le wali d'Alger qui a tenu sa promesse. Que pouvait-on espérer de mieux ? À partir d'aujourd'hui, c'est une nouvelle vie pour moi et ma famille. Dans le bidonville où nous étions, c'était l'enfer. Conditions d'hygiène déplorables souvent à l'origine de maladies surtout respiratoires, promiscuité intenable, coupures de courant intempestives en raison des branchements anarchiques, lieu situé dans le passage d'un oued, ce qui un jour ou l'autre peut devenir notre tombe. En somme, tous les habitants de ce maudit bidonville étaient en sursis d'une mort lente, même si nous restons quelque part fatalistes.” Les langues se délient et les témoignages se succèdent sur les conditions d'une “vie de chien”, pour reprendre l'expression d'un sexagénaire qui en avait plein sur le cœur. Il racontera que son parcours est fait de vertes et des pas mûres. Depuis l'indépendance, c'est la première fois qu'il va habiter un logement décent. Résigné, il avait abdiqué devant un tas de demandes de logement n'ayant jamais abouti. Finalement, c'est celle de son rejeton qui portera bonheur à la famille, mettant un terme à cinq décennies de galère du vieux. Une femme du troisième âge, moudjahida et fille de moudjahid, selon ses dires, pousse un youyou essoufflé au seuil de l'appartement dont on venait d'ouvrir la porte. “À présent, je peux dire que je ressemble aux humains. Mais avant ce jour, j'étais sous terre”, confie-t-elle. Dehors, les camions arrivent l'un après l'autre. Au fur et à mesure de l'accomplissement des formalités. Le DG de l'OPGI d'Hussein Dey interpelle un de ses cadres par téléphone lui ordonnant de demander un petit renfort des services d'ordre devant un bâtiment où des “rôdeurs” sont suspectés. “On doit faire attention à tout, car les opportunistes sont partout”, nous dira-t-il en guise de réponse à notre étonnement. Le wali délégué de Birtouta, sur place, explique que le grand boulevard donnera accès directement sur la RN67 qui rejoint Alger-Blida et la rocade sud. Silence, on démolit ! Retour au bidonville Doudou-Mokhtar. L'îlot de la première vague des déménagés est déjà en poussière. Une noria de rétrochargeurs en action depuis le début de l'opération. Debout sur un monticule, le directeur de l'urbanisme suit entre deux coups de fil le va-et-vient des engins. Avec son collègue de la DTP, ils supervisent le déménagement tout en coordonnant avec les gars de Tessala El-Merdja. Ils semblent avoir pris un peu d'avance au vu du nombre de camions attendant devant l'entrée de la cité. Pour faire régner l'ordre et la discipline au niveau du bidonville, ce qui n'est pas évident en ces circonstances, on a fait venir deux chalets pour une patrouille de gardes communaux. C'est, dit-on, dissuasif. Il faut reconnaître que le seul fait à relever, c'est plutôt la curiosité des jeunes qui suivent avec grand intérêt l'opération. Maintenant que celle-ci a démarré, tout le monde est pratiquement certain de partir de ce maudit ghetto. Du moins pour ceux qui sont normalement recensés. Des camions font la queue pour charger les gravats vers la décharge de Oued Smar. La cadence de déménagement et de relogement est de 170 familles par jour. Autrement dit, les 924 familles recensées dans ce bidonville seront totalement relogées d'ici dimanche prochain. Une fois terminée, cette opération sera suivie, conformément au programme de la wilaya, par d'autres opérations de relogement. Il est à rappeler dans ce cadre que 10 000 logements seront attribués entre mars et octobre en attendant la livraison d'autres programmes de logements, dont plus de 55 000 unités sont prévues pour la résorption de l'habitat précaire dans la capitale et ses banlieues et périphéries. La wilaya aura également à traiter le relogement des familles habitant les immeubles menaçant ruine, celles qui continuent à loger dans les douérate vétustes de La Casbah, celles recasées dans les chalets à la suite du séisme de 2003, celles habitant à l'intérieur de certains cimetières et enfin l'éradication des constructions illicites au niveau des terrasses et des caves. Toutefois, le message du wali à la population concernée reste sans équivoque. “On ne peut pas justifier la violence responsable par des paroles responsables. La question du relogement est prise au sérieux à un très haut niveau, il n'est donc pas admis que l'on ait recours à des moyens non légaux pour faire pression sur les autorités chargées de ce volet.”