Le gouverneur estime qu'il est impératif d'éviter toute démarche conduisant à une mauvaise allocation des ressources en dinars et en devises. Le total des réserves de changes, détenues actuellement par l'Algérie, avoisine les 149 milliards de dollars. Un tel montant peut garantir, estime le gouverneur de la Banque d'Algérie, M. Mohamed Laksaci, plus de trois années d'importations de biens et services. La composition en dollars de toutes ces ressources financières est évaluée à 46% et à 42% en euros, alors que le reste est constitué d'autres monnaies étrangères. Au cours d'une réunion jeudi avec les P-DG des banques nationales et étrangères en activité en Algérie, consacrée aux tendances monétaires et financières au second semestre 2009, M. Mohamed Laksaci a abordé la lancinante question liée à l'utilisation de ces provisions en devises par les agents économiques, à savoir l'Etat, les entreprises et les ménages. Se référant à la réglementation des changes en vigueur en Algérie, le gouverneur a expliqué que les “devises rapatriées par les agents économiques au titre des exportations de biens et services sont cédées à la Banque d'Algérie à hauteur de 100% pour les hydrocarbures, à 50% pour les exportations hors hydrocarbures et à 50% pour les exportations de services contre la monnaie de la banque centrale”. Ainsi, les devises achetées nettes de ventes des devises effectuées sur le marché interbancaire des changes au profit des agents économiques résidents pour répondre à leurs obligations de transfert vers l'étranger alimentent, a-t-il ajouté, les réserves officielles de changes détenues par la Banque d'Algérie. Pour lui, la loi définit clairement les devises étrangères comme élément de couverture de la monnaie nationale. Or, “la contrepartie de ces réserves de changes se retrouve dans l'économie nationale, au niveau des dépôts de Sonatrach auprès de la Banque extérieure d'Algérie”, a-t-il souligné. Il s'agit en fait de la contrepartie de cessions des recettes d'exportation d'hydrocarbures non utilisées. Elle (la contrepartie) représente aussi les dépôts de l'Etat dans ses comptes, tenus sur les livres de la Banque d'Algérie (BA), qui est en fait la part de la fiscalité pétrolière non dépensée. Les dépôts des autres agents économiques non financiers auprès des banques constituent également la contrepartie de ces réserves de changes. Mohamed Laksaci a rappelé que la monétisation des réserves officielles de changes se retrouve, selon les données de fin décembre 2009, “en ressources accumulées par l'Etat dans le Fonds de régulation des recettes pour l'équivalent de 59 milliards de dollars, en dépôts de Sonatrach auprès de la BEA pour l'équivalent de 10,6 milliards de dollars, en dépôt des agents économiques non financiers auprès des banques pour l'équivalent de 73,6 milliards de dollars, et 4 milliards de dollars en dépôts en devises”. à travers les déclarations du gouverneur, on peut déduire que le niveau des réserves de changes a nettement évolué ces dernières années. Toutefois, le premier responsable de la Banque d'Algérie n'explique pas les raisons à l'origine de cette évolution en l'espace de trois années, marquées par une crise économico-financière qui a secoué toutes les places de par le monde. Pour cela, il serait judicieux, avoue M. Salah Mouhoubi, expert en économie, de déterminer le solde de la balance des paiements au lieu de donner celui de la balance commerciale. Ce qui permettra à l'opinion publique nationale de connaître le niveau exact des réserves ces dernières années. Les citoyens demeurent, en outre, avides de renseignements quant à la structure des placements opérés jusque-là par la BA. Les Algériens ont le droit le plus absolu d'accéder aux statistiques ayant trait au montant exact des bons du Trésor américains, achetés par la BA et à leur rémunération. Concernant les placements en euros, “sont-ils effectués dans des grandes banques de l'Union européenne ou au contraire, ils ont servi à financer les pays déficitaires de la zone Euro ?” s'interroge cet expert. Car, d'aucuns reconnaissent que les pays déficitaires interviennent souvent sur le marché des capitaux pour emprunter. Néanmoins, Mohamed Laksaci a reconnu que “l'accumulation des réserves officielles de changes par la Banque d'Algérie entre 2004 et 2008 a constitué un important élément de sauvegarde contre les chocs externes, notamment les baisses des recettes d'exportation et/ou sorties soudaines de capitaux résultant de la grave crise financière internationale en cours”. Le premier banquier du pays a rappelé à ce propos que l'Algérie “a fait un bon usage de ses réserves de changes en consacrant une partie au remboursement par anticipation de la dette extérieure entre 2004 et 2006, et ce, à la veille de la crise financière internationale”. La disponibilité des ressources en devises (réserves de changes) et en dinars (Fonds de régulation et liquidité bancaire) a permis à l'économie nationale de faire face à la crise économique mondiale en réalisant, selon lui, une “performance économique robuste, tout en poursuivant le programme d'investissements publics en 2008-2009”. Un tel objectif passe, a-t-il noté, par une “position financière extérieure confortable afin de s'assurer de la bonne réalisation du programme d'investissements publics, tout en préservant la stabilité financière externe”. Dans cette phase de poursuite du programme d'investissements publics, le gouverneur plaide pour la préservation des réserves de changes de l'Algérie qui “doit prendre une place particulière, en termes de priorité, dans la gestion macro-économique”. La conduite de politique financière prudente tant au plan de la balance des paiements et de la dette extérieure qu'au plan des finances internes a pu atteindre une croissance hors hydrocarbures proche de deux chiffres en 2009. Par conséquent, il est aujourd'hui “économiquement intelligible et même impératif d'éviter toute démarche conduisant à une mauvaise allocation des ressources en dinars et en devises”, a-t-il prévenu. La réponse est on ne peut plus claire du ministre de l'Industrie et de la Promotion de investissements qui, rappelons-le, a suggéré il y a quelques jours le rapatriement des réserves de changes pour leur utilisation au profit de son secteur.