Le cabinet restreint de Benjamin Netanyahu, dit cabinet de sécurité nationale, s'est réuni vendredi pour étudier la liste des “gestes” exigés par l'Administration américaine, en vue de rétablir la confiance avec la partie palestinienne et permettre la reprise des négociations de paix interrompues depuis 2008, après l'opération “Plomb durci” qui a ravagé la bande de Gaza. Si aucune décision n'a été rendue publique par le cabinet, le porte-parole du Premier ministre, Nir Hafez, a par contre déclaré en marge de la réunion, que le gouvernement israélien ne renoncerait pas à sa politique de construction à Jérusalem-Est, à l'origine de la crise qui affecte, depuis quelques jours, les relations entre Tel-Aviv et Washington. Jamais, par le passé, un gouvernement israélien n'a été aussi loin dans la défiance envers son allié américain. Mais qu'est-ce qui donne cette assurance – plutôt arrogance – à Benjamin Netanyahu ? Les pressions exercées sur lui par les radicaux de son parti et par ses alliées ultra-orthodoxes et de l'extrême droite expliquent-elles, à elles seules, son intransigeance, que lui dicterait alors son souci de sauver sa coalition ? C'est assurément trop simple et trop court comme explication. Il y a au moins une part de conviction et de choix personnel du Premier ministre. Il n'ignore pas que sa fuite en avant comporte des risques. Mais, selon toute vraisemblance, il les a mal appréciés tout en surestimant ses propres atouts. La première erreur qu'il commet est de croire que la crise qu'il a provoquée avec les Etats-Unis relèverait d'une simple incompatibilité d'humeur entre lui et le président Obama, qu'il accuse d'ailleurs en privé de vouloir “exploser sa coalition”. Le différend ne s'arrête pas à la relation entre les deux hommes, qui ne se sont jamais appréciés et qui ne l'ont jamais vraiment caché. Le fond du différend consiste en ce que, du point de vue US, la politique du gouvernement israélien dérange les intérêts américains, contrarie les projets de Washington et son influence dans la région et augmente la menace sur sa sécurité intérieure. Les enjeux pour les Etats-Unis sont tels que leur complaisance habituelle n'est tout simplement plus envisageable. La deuxième erreur commise par le Premier ministre israélien est d'avoir misé, à la fois, sur la fragilité passagère du président Obama, en difficulté sur le front intérieur, et sur l'appui du lobby juif, avec ses influences au Congrès américain. Le vote de sa réforme sur la santé a libéré le locataire de la Maison-Blanche, qui a gagné en assurance, dont la courbe de popularité reprendra sans doute de l'allure et dont l'image sur la scène internationale retrouve un peu de ses couleurs. Quant au lobby juif américain, il faut désormais le conjuguer au pluriel, puisqu'il ne parle plus de la même voix. Les juifs américains inconditionnels de l'Etat hébreu et de sa politique expansionniste, qui restent certes nombreux et puissants, n'en suscitent pas moins des interrogations parmi de plus en plus d'autres Américains, concernant leur attitude si les intérêts des deux pays venaient à diverger sur le fond, comme cela commence à être le cas. Benjamin Netanyahu semble enfin sous-estimer le risque d'une grogne interne, en Israël même. La plupart des grands titres de la presse israélienne sont unanimes pour condamner, parfois dans des termes très durs, l'attitude arrogante et inconséquente du gouvernement, qui met en péril tout à la fois la qualité des relations avec l'allié américain et les chances de paix. La position de la presse est sans aucun doute largement partagée par l'opinion générale. De plus, l'entêtement du Premier ministre à s'aligner sur les positions de l'aile la plus à droite de sa coalition rend illisible, voire incongrue, la présence des travaillistes dans son gouvernement. La moitié des députés de gauche ne soutiennent déjà plus l'action du gouvernement et les pressions se multiplient sur leur chef de file, le ministre de la Défense Ehud Barak, pour se retirer de la coalition. Dans tous les cas, la mosaïque gouvernementale que dirige Netanyahu est fragilisée et ne peut survivre longtemps à autant de pressions internes et externes. Beaucoup de commentateurs mettent de l'avant l'absence de leviers entre les mains des Etats-Unis et leur impuissance à faire efficacement pression sur Israël pour expliquer l'attitude, pour le moins irrévérencieuse, de Benjamin Netanyahu. Rien n'est moins faux. Washington possède au moins deux moyens de pression redoutables : les trois milliards de dollars annuels d'aide économique et militaire, mais surtout son droit de veto au Conseil de sécurité, invariablement mis au service de l'Etat hébreu et de ses provocations. Il s'agit seulement de savoir si, le cas échéant, la Maison-Blanche serait prête à jouer sur ces leviers. En attendant, il n'échappe ni à Benjamin Netanyahu ni au peuple israélien, que leur gouvernement est isolé et unanimement condamné par la communauté internationale. Et l'idée selon laquelle Israël, cette “démocratie exemplaire”, qui ne demande qu'à faire la paix avec les “méchants Palestiniens”, colportée et diffusée à tour de bras avec la complaisance et la complicité occidentales, a vécu.