Dernièrement, un convoi de gendarmes de la compagnie d'Aïn Oulmène, relevant de la wilaya de Sétif, a essuyé les attaques d'une meute de jeunes du village de Rasfa chauffés à blanc par des trafiquants de tabac. Des contrebandiers ont anticipé les événements en envoyant ces jeunes à la rencontre des gendarmes qui allaient faire une descente dans des ateliers de fortune où est contrefait un tabac qui met en danger aussi bien la santé publique que l'économie nationale. Dans leur furie, les jeunes villageois, rongés par la malvie et qui n'attendent que la première occasion pour exprimer leur mécontentement, mettront le feu à l'un des véhicules de la patrouille. Pire, un poste radio et un portable furent subtilisés aux gendarmes. Une fois leur forfait accompli, des contrebandiers, qui se sont infiltrés parmi les émeutiers, prendront le chemin du maquis qui sert de lieu de retraite aux… terroristes. D'ailleurs, les forces de sécurité usent, ces dernières 48 heures, des mêmes procédés retenus dans le cadre de la lutte antiterroriste pour traquer ces contrebandiers. Malheureusement, le cas de Rasfa à Sétif n'est pas isolé. Il ne se passe pas un mois sans que des gendarmes ne subissent ce genre d'attaques. La nouveauté est que cette violence n'est pas le propre de la lisière frontalière. En effet, à Tébessa, une wilaya située à l'extrême-est du pays, près de 100 personnes se sont attaquées le 28 janvier dernier à des gendarmes en mission à El-Djorf. Les émeutiers cherchaient à faire diversion au moment où des gendarmes allaient arrêter un homme recherché pour son implication dans le trafic de voitures. Seul le recours aux tirs de sommation a permis aux gendarmes de s'en sortir à moindres dégâts en attendant l'apport des forces antiémeutes. Toujours à Tébessa, deux mois avant, soit en octobre 2009, une centaine de contrebandiers s'en est pris à une brigade des gardes-frontières après l'interception, par les gendarmes à Bouchabka, de deux voitures de contrebandiers. L'expédition se terminera par, au moins, 10 blessés parmi les GGF. Pour rester dans cette wilaya, et précisément à Bir El-Ater, qui ne sort de son anonymat que par des actes de la sinistre phalange des Souafa affiliée au GSPC ou ceux des contrebandiers, lors de la journée du 16 juin dernier, ce sont le siège et les véhicules des douanes qui seront ciblés. Deux voitures seront incendiées et une institution de la République assiégée pendant des heures. C'était le prix à payer par ce corps paramilitaire après la mort de deux contrebandiers, dans un accident de la route, lors d'une course-poursuite engagée par les éléments des douanes. Un mois avant, presque jour pour jour, une vingtaine de personnes ont attaqué un barrage de la gendarmerie dressé entre Tébessa–ville et Bekkaria. Les assaillants, armés de pierres et de gourdins, tenaient à faire une démonstration de force à la suite de l'arrestation d'un contrebandier par les services de la gendarmerie. Tout a commencé après l'interception par les gendarmes d'une voiture transportant des produits de contrebande. Fait grave dans l'histoire des pays et des nations, la voiture saisie a été récupérée de force par ces derniers qui, en signe de victoire, feront un tour d'honneur dans la région à bord de leur butin de guerre. Au mois de mars de la même année, le parc des douanes de cette même localité de Bekkaria a été attaqué par des contrebandiers qui ont usé de projectiles incendiaires. Aujourd'hui, force est de constater qu'on est en présence d'un phénomène d'une grande gravité. Et, comme d'habitude, les pouvoirs publics se manifestent par leur lourdeur à prendre des initiatives sécuritaires, certes, mais surtout législatives, économiques et sociales afin de venir à bout de ce phénomène. Par ailleurs, nous avons des villageois qui ne se sentent pas concernés par le respect de la loi, pour ne pas dire qui ne croient plus à l'autorité de l'Etat. Des familles qui ne vivent que par et pour la contrebande. En outre, nous avons des gendarmes qui affrontent des situations complexes où les citoyens défendent les criminels. Face à la réaction des familles de contrebandiers ou de simples villageois manipulés par ces derniers, les forces de sécurité n'arrivent pas à situer les limites entre des affrontements avec des hors-la-loi et des émeutes populaires. Pis, légalement, les gendarmes se retrouvent démunis quand on sait que le code pénal conditionne les courses-poursuites par la délivrance d'une autorisation par le procureur de la République. Il faut dire que la contrebande a pris des proportions importantes et les autorités doivent réfléchir aux moyens de venir à bout de ce phénomène qui semble de plus en plus susciter malheureusement la sympathie populaire. Aujourd'hui, la situation est explosive. La contrebande, que ce soit à Sétif, à Tébessa ou encore à Maghnia, est une affaire de famille et de survie de populations entières.