Le procès de l'affaire de l'agence foncière de la commune de Tizi Ouzou s'est poursuivi hier avec l'audition des inculpés qui ont défilé à la barre. Après donc l'audition des principaux accusés, c'était au tour des prévenus libres de comparaître devant le tribunal criminel. Mais c'est sans doute l'audition du notaire Rachid Ghellab, impliqué dans la même affaire, qui aura défrayé la chronique. Appelé à la barre, celui-ci a tenté de battre en brèche l'accusation de falsification de documents officiels. Pour lui, ce n'est pas de la falsification. Mais la présidente du tribunal s'étonne comment l'accusé a pu signer des actes d'attribution signés par le directeur de l'agence foncière qui n'était pourtant plus en fonction. La signature d'actes d'attribution de lots de terrain en l'absence des concernés et ses déplacements au siège de l'agence foncière ont suscité la curiosité de la juge qui préside les débats. L'instruction du wali à la conservation foncière pour refuser toute publication de délibération sans l'aval du conseil d'administration est hors la loi, selon Ghellab. L'accusé avoue avoir aidé sa secrétaire à bénéficier d'un lot de terrain de 80 m2. Celle-ci, poursuivie pour les mêmes chefs d'inculpation, reconnaît également avoir adhéré à deux coopératives. D'autres accusés qui ont bénéficié de lots de terrain et de logements dans des coopératives ont été entendus par le tribunal hier. Poursuivis pour corruption et usage du faux, la plupart ont dit agir dans la légalité et ignorer les anomalies que comportent les actes et autres délibérations de l'agence foncière. L'un d'eux ne comprend pas comment sur les 11 coopérateurs, seuls 3 d'entre eux sont poursuivis en justice. “Nous sommes des victimes”, déplore-t-il. Une inculpée a bénéficié, en 2001, d'un lot de terrain pour une bagatelle de 30 millions de centimes, soit 500 DA le m2, avant de le revendre à 260 millions de centimes et aurait refilé 1 million de DA à un responsable de l'agence foncière “pour services rendus”, selon l'acte d'accusation. Pour elle, le P-V était conforme. Auparavant, le tribunal a eu à écouter les inculpés en détention, dont les deux anciens directeurs B. Hocine et A. Mohamed. Ces derniers, qui se sont accablés mutuellement lors de leur audition par le juge instructeur, ont dit agir selon la réglementation en vigueur. Au sujet des falsifications relevées sur le registre des délibérations, les deux responsables avouent que les ratures et les surcharges en écriture sur le registre de délibérations sont opérées au moment des réunions du conseil d'administration de l'agence foncière. Ce que rejettent certains membres du CA qui disent avoir signé sur du propre. Selon les inculpés, le CA n'a pas droit de regard sur les attributions de lots de terrain, si l'on se réfère au décret exécutif 90-405, venu en application de la loi 90-25 sur l'orientation foncière. Devant le tribunal criminel, ils ont estimé que ce sont les textes de loi qui leur donnent les prérogatives d'attribution et de cession, reconnaissant au passage que l'arsenal juridique de gestion du patrimoine foncier peut prêter à plusieurs compréhensions et interprétations. Si leurs proches parents ont bénéficié de l'attribution de plusieurs lots de terrain et de logements dans des coopératives, c'est seulement en tant que citoyens, estiment les anciens directeurs de l'agence foncière. “Apparemment, il n'y a que vos parents qui sont citoyens, puisque les autres citoyens n'en ont pas bénéficié”, s'insurge la présidente du tribunal. Les auditions des autres prévenus libres se poursuivaient, hier tard dans la soirée. Les témoins prendront certainement le relais aujourd'hui. Ils sont une cinquantaine.