Le Forum des chefs d'entreprise a annoncé la création d'un club de réflexion régionale à l'est du pays. Le privé algérien, pour peu qu'on lui fasse confiance et qu'on le laisse travailler, peut parfois faire des miracles. La Conserverie du groupe Amor Benamor (CAB), visitée jeudi par une délégation du Forum des chefs d'entreprise, montre la voie. Dans un secteur – la tomate industrielle – sinistré, avec la fermeture de plusieurs conserveries, la famille Benamor a réussi à inverser la tendance. C'est ce nouveau visage du privé que le Forum des chefs d'entreprise veut diffuser. Un privé qui prend des risques avec ses propres fonds, qui participe au développement du pays en créant de la richesse et des emplois. Le secret de la réussite du groupe Benamor, souligne M. Laïd Benamor, manager général, se trouve dans “la vision stratégique et une démarche scientifique, tenant compte de la réalité du terrain” mise en place par le groupe, associant dans sa démarche l'agriculteur, le maillon le plus faible de la chaîne. Le travail pédagogique effectué envers les agriculteurs, l'assistance des agriculteurs aux nouvelles techniques de culture de la tomate, entre autres, ont fait tripler le rendement entre 2004 et 2010. La Conserverie Amor Benamor a commencé en 2005 par la création d'une cellule agronomique composée de cinq ingénieurs, chargés de l'assistance, la vulgarisation, la formation et l'information de l'ensemble des agriculteurs cocontractants de la CAB. Par ailleurs, après le constat des faiblesses de rendement découlant de la mauvaise application de l'itinéraire technique, une station expérimentale de 5 ha a été créée pour démontrer l'intérêt de produire le plant en motte. Entre 2008 et 2009, la CAB a construit une multichapelle de 7 000 mètres carrés pour la production de 10 millions de plants, entre tomates et piments, équivalent à la plantation de 500 ha. Le résultat ne s'est pas fait attendre : les rendements ont augmenté à 80 tonnes par hectare. “Le groupe Benamor a su faire évoluer le secteur sinistré de la tomate industrielle, un secteur qui, au fil des ans, s'est délité”, a indiqué le président du Forum des chefs d'entreprise M. Hamiani. “Le groupe Benamor est venu révolutionner le système. Il a compris que sans l'apport d'une expertise, on ne peut pas aller bien loin”, a ajouté M. Hamiani. Aujourd'hui, le groupe Benamor, qui comprend quatre sociétés (CAB, les Moulins Amor Benamor, Benamor Céréales, Benamor Promotion immobilière, Horizon Développement agricole Amor Benamor) emploie 900 travailleurs. Il couvre 50% des besoins du marché algérien en concentré de tomates et 10% de couverture de céréales. La CAB envisage même d'exporter du concentré de tomates en Europe, une fois les subventions européennes, sur ce produit, démantelées. L'expérience de la Conserverie du groupe Amor Benamor, en termes de partenariat gagnant-gagnant avec le monde agricole, est édifiante et devrait être généralisée. Les acteurs des deux secteurs ont, en effet, plus que jamais besoin d'échanger et de réfléchir ensemble pour tenter de proposer des solutions de nature à aider à construire ce partenariat incontournable entre l'agriculture et l'industrie, dont notre pays a besoin, pour contenir dans des limites tolérables à la dépendance alimentaire dans laquelle il semble que nous sommes trop confortablement installés. La politique économique suivie jusque-là, malgré tout le volontarisme dont elle a toujours été empreinte, n'a pas pu empêcher le développement des importations alimentaires au détriment de produits qui pouvaient être fournis par le marché local. Cette situation trouve fondamentalement son origine dans les dysfonctionnements provoqués par le désancrage de l'appareil agro-industriel de son amont agricole qui fait que notre industrie agroalimentaire s'est retrouvée intégrée de façon passive au marché international. Ce désancrage a conduit à des dysfonctionnements qui font, par exemple, que l'Algérie importe de plus en plus de concentré de tomates de Chine, alors que des capacités nationales sont mises à l'arrêt, que des capacités excédentaires sont mises en place pour la trituration des céréales. Les managers algériens capables de relever le défi existent, le groupe Benamor, pour ne citer que celui-là, en est l'exemple parfait. Pour peu que des obstacles anciens et nouveaux soient levés, le privé algérien est capable de soutenir la concurrence et de porter la croissance économie de l'Algérie. Cela suppose qu'il soit enfin reconnu à l'entreprise le rôle économique et social essentiel qui est le sien. Si l'environnement économique de l'entreprise algérienne a beaucoup évolué par rapport à une période antérieure, et si dans un grand nombre de domaines, l'entreprise a acquis une marge d'autonomie (liberté d'investir, accès au commerce extérieur, accès au crédit bancaire, etc.), il n'en demeure pas moins qu'elle est toujours considérée comme un acteur “mineur” ou marginal sur la scène économique nationale. Le Forum des chefs d'entreprise, en organisant la visite du groupe Benamor à Guelma, a voulu aussi faire passer un autre message, celui d'une organisation patronale à l'écoute de ses membres, proche des préoccupations des entreprises. À l'occasion, M. Hamiani annonce la création d'un club de réflexion régionale de la zone Annaba, animé justement par M. Laïd Benamor. Ce club de réflexion aura pour mission d'alimenter le débat économique et de diffuser l'image d'entreprise privée citoyenne qui participe pleinement au développement du pays.