Dans les débats économiques qui sont en cours au sein de l'Exécutif algérien, et dont une partie importante semble s'être focalisée au cours des dernières semaines autour de la gestion et de l'utilisation des réserves de changes du pays, la Banque d'Algérie est à la fois un centre de décision et un pôle d'influence important. Le point de vue qu'elle exprime peut être considéré globalement comme privilégiant une rigueur financière assez proche de l'orthodoxie prônée par les institutions financières internationales. Un contrepoids utile en période d'expansion des dépenses publiques. voici environ une semaine, le gouverneur de la Banque d'Algérie, M. Mohamed Laksaci, livrait dans un exercice qui est devenu un rendez-vous traditionnel des banquiers du pays, les grandes lignes du rapport de conjoncture de la Banque centrale pour le second semestre, et donc pour l'ensemble de l'année 2009. Un document qui fourmille d'informations pas toujours très connues sur l'état de notre économie et de nos finances. Le rapport, sans éviter les satisfecit qui s'appliquent en général aux domaines de compétences réservés à l'institut d'émission lui- même, comporte également de nombreux avertissements et quelques démarcations discrètes vis-à-vis des résultats de la politique économique mise en œuvre au cours des dernières années. La nécessaire préservation des réserves de changes C'est sur le chapitre des réserves de changes que M. Laksaci était le plus attendu quelques jours après le début d'une polémique provoquée sur ce sujet par les déclarations de M. Temmar. Le rapport de conjoncture 2009 démarre de ce point de vue par une analyse de la crise financière internationale qui souligne que “le niveau des réserves officielles de changes a constitué un élément important de sauvegarde pour beaucoup de pays émergents et en développement qui ont dû recourir aux financements exceptionnels du FMI”. M. Laksaci suggère ainsi que la “prudence” qui caractérise la gestion des réserves de changes nationales mise en œuvre par la Banque d'Algérie a donc non seulement mis notre pays à l'abri des conséquences les plus pénibles de la crise financière, mais qu'elle a également aidé indirectement de nombreux autres pays à la surmonter. La prudence dont se félicite le gouverneur de la Banque centrale s'est traduite notamment par une augmentation des réserves qui ont atteint près de 149 milliards de dollars à fin 2009, contre 143 milliards un an plus tôt. Cette augmentation, bien que modeste en comparaison des années précédentes, confirme la justesse des choix opérés en termes de placements notamment et “l'acquis inhérent à la gestion prudente de la position financière extérieure durant les années d'accumulation soutenue en la matière, à savoir les années 2004 à 2008”. L'année 2009 aurait donc été de ce point de vue “démonstrative en termes de résilience de l'économie algérienne face au choc externe”. Ce sont d'ailleurs les revenus procurés par le placement des réserves qui sont à l'origine de la bonne tenue de la balance des paiements courants qui a préservé in extremis un très léger excédent en 2009 : “Les revenus au titre des placements des réserves officielles de changes représentant un effet de balancier face aux transferts effectués par les associés de l'entreprise nationale des hydrocarbures.” Prudence toujours à propos de la composition des réserves par devises qui “fait l'objet d'un suivi particulier en raison de la volatilité des taux de changes des principales devises”. Les ajustements opérés en 2009 confirment l'augmentation de la part libellée en euros qui est passée à 42% contre 46% pour la part en dollars. Au total, c'est un bilan très positif de sa gestion que dresse la Banque centrale sur ce chapitre : “La politique de placement des réserves de changes, conduite par la Banque d'Algérie (sécurité des placements, composition par devise, meilleure gestion des risques), a contribué à atténuer l'effet de la forte contraction des recettes d'exportation d'hydrocarbures sur le niveau des réserves officielles de changes. En effet, ces placements de réserves de changes ont produit des revenus appréciables dans un environnement de très faibles rendements sur les marchés internationaux, tout en préservant le capital.” Sur la question très sensible de l'utilisation des réserves de changes, la position de la Banque d'Algérie est sans ambiguïté : “Dans cette phase de poursuite du programme d'investissement public nécessaire pour asseoir les bases du développement économique et social à long terme au profit des générations futures, la préservation des réserves de changes de l'Algérie doit prendre une place particulière, en termes de priorité, dans la gestion macro-économique.” Cette phrase en forme de mise en garde qui clôture le rapport a manifestement été rédigée à la suite des récentes discussions sur un éventuel “rapatriement” d'une partie des réserves placées à l'étranger. Elle est à la fois un démenti officiel de la part de l'institution en charge de leur gestion et une prise de position dans un débat qui est sans doute loin d'être clos. Un pic d'inflation en 2009 La gestion de la valeur de la monnaie nationale est un autre des domaines de compétence réservé à la Banque d'Algérie. Sur ce chapitre, le rapport pour 2009 précise que le taux de change effectif réel du dinar est resté proche de l'équilibre avec une dépréciation moyenne de 2% contre une appréciation de 1,6% en 2008. Cette légère dépréciation du dinar est la conséquence de l'élargissement du différentiel d'inflation entre l'Algérie et ses principaux partenaires commerciaux qui a dépassé 5% en 2009. C'est l'occasion d'un nouvel avertissement de la Banque centrale qui relève que “l'inflation a poursuivi en 2009 sa tendance haussière entamée en 2007, alors qu'elle a reculé presque partout dans les pays développés pour atteindre souvent des taux négatifs chez les principaux partenaires commerciaux”. Atteignant un pic pour la décennie, l'inflation annuelle a été en 2009 de 6,4% stimulée particulièrement par la hausse des prix des produits alimentaires et singulièrement des produits agricoles frais. La Banque centrale rappelle que “la stabilité des prix est un préalable pour une allocation optimale des ressources aux secteurs économiques les plus performants”. Près de 12 milliards de dollars d'importation de services L'évolution de la balance des paiements inspire à la Banque d'Algérie des commentaires mitigés. Elle se félicite tout d'abord de sa “viabilité préservée malgré l'ampleur du choc externe inhérent à la grave crise économique”. Difficile pourtant de ne pas signaler la quasi-disparition de l'excédent des paiements courants qui est réduit à sa plus simple expression en 2009 (à peine 0,5 milliard de dollars ) après les niveaux record atteints en 2007 et 2008 (plus de 30 milliards de dollars chaque année). La principale cause de la disparition de l'excédent se trouve, bien sûr, dans la baisse des recettes pétrolières à 44,3 milliards de dollars avec un prix moyen du baril à 62,1 dollars en 2009, contre 99, 97 en 2008. On la trouve aussi dans un niveau d'importations de biens et de services désormais solidement installé au-dessus de 50 milliards de dollars. Dans ce domaine, si les importations de marchandises ont été stabilisées en 2009 à un niveau légèrement inférieur à 38 milliards de dollars, il n'en est pas de même pour les importations de services qui continuent d'augmenter et qui sont désormais proches de 12 milliards de dollars. Bien qu'on soit loin en 2009 de l'emballement constaté depuis 3 ans, la consolidation de ce dernier poste d'importations constitue pour la Banque d'Algérie “un élément de vulnérabilité” pour la balance des paiements. Il s'agit d'un domaine peu connu du grand public et qui concerne notamment les services de transport liés aux importations de marchandises, les services du bâtiment et des travaux publics ou encore des services techniques aux entreprises liés à la réalisation des infrastructures publiques. Cette catégorie d'importations, qui ne représentait encore que moins de 5 milliards de dollars en 2006, a connu une véritable explosion au cours des dernières années. Au total, la Banque d'Algérie lance une nouvelle mise en garde et considère que le niveau atteint désormais par l'ensemble des importations de biens et de services “n'est pas en phase avec l'évolution des fondamentaux économiques dans la mesure où l'économie algérienne reste fortement tributaire des exportations d'hydrocarbures qui ont chuté en 2009”. Les IDE sauvés par les banques étrangères On s'y attendait un peu. Les investisseurs étrangers ne se sont pas bousculés aux guichets de la Banque d'Algérie en 2009. Les flux nets d'investissements directs enregistrés l'année dernière, qui atteignent tout de même le niveau respectable de 2,3 milliards de dollars, sont liés pour l'essentiel à l'augmentation du niveau du capital minimum des banques privées. En dehors de cet investissement obligatoire, et qui ne pourra pas être reconduit chaque année, les investissements étrangers reviennent à des niveaux très bas qui sont la confirmation de l'attentisme provoqué par le manque de lisibilité des mesures adoptées par les pouvoirs publics depuis la fin de l'année 2008.