Pas de report des élections présidentielle, législatives et régionales, a averti la commission électorale soudanaise aux parties qui ont décidé de les boycotter. Le Soudan, le plus grand pays d'Afrique, doit tenir, de dimanche à mardi prochains, ses premières élections multipartites en vingt-quatre ans. Mais des formations d'opposition ont indiqué vouloir boycotter l'ensemble du scrutin, et Yasser Arman, le candidat des ex-rebelles sudistes du Mouvement populaire de libération du Soudan, a retiré sa candidature à la présidentielle. Les principales composantes du Consensus national (opposition), le Parti Umma nationaliste, le Parti Umma réforme et renouveau, le Parti communiste et le Parti unioniste démocrate, accusent la commission électorale de partialité et estiment que le parti du président El-Bachir, le Parti du congrès national, se préparait à bourrer les urnes. Or, les deux Umma et les unionistes sont les deux piliers traditionnels de la politique soudanaise, ils avaient respectivement terminé premier et deuxième lors du dernier scrutin multipartite de 1986, avant le coup d'Etat militaire de l'actuel président, en 1989. Omar El-Bachir, objet d'un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale, se dirige donc vers une victoire facile, à l'africaine. Il n'aura rien innové. Comme la plupart de ses pairs du continent, il va rempiler sans problème. Washington attend beaucoup de ces élections, ne serait-ce que parce que le département d'Etat a suivi de près les négociations de paix entre rebelles du Darfour et autorités soudanaises à Doha, au Qatar. Après avoir dit être confiant à l'idée que les élections commencent à la date prévue et soient aussi libres et justes que possible, le département d'Hillary Clinton a nuancé cette position, appelant le pouvoir soudanais à lever les restrictions sur les partis politiques. Et Washington a même estimé qu'il faudrait peut-être retarder un peu les élections pour que Khartoum réponde aux inquiétudes légitimes des partis. En réalité, vu de Khartoum, le jeu est bouclé. En deux décennies au pouvoir, Omar El-Bachir semble en mesure de résister à tout. Même à sa mise en cause, lundi 14 juillet 2009, par la Cour pénale internationale (CPI) pour des crimes contre l'humanité commis au Darfour. Militaire de carrière, il avait attendu son heure. Le 30 juin 1989, le régime parlementaire soudanais, à bout de souffle, s'effondre lorsque des unités de l'armée prennent l'aéroport, le palais présidentiel et bloquent les rues de Khartoum. Une quinzaine d'officiers venait de prendre le pouvoir, avec le soutien décisif de cellules islamistes. À la tête de la junte, on découvre Omar El-Bachir, derrière lui, un parti islamiste tirait les ficelles, le Front national islamique de Hassan El-Tourabi. En 1990, El-Bachir nettoie l'armée, 28 officiers sont exécutés. D'autres suivront, alors que se multiplient purges, arrestations, tortures, amputations, flagellations. Au Sud-Soudan, la sale guerre contre la rébellion sudiste s'amplifie, avec l'organisation de forces paramilitaires, des Forces de défense populaires (!), des milices recrutées au sein des tribus arabes, qui vont laisser un sillon de feu et d'abomination dans les villages. À Khartoum, Hassan El-Tourabi met sur pied l'internationale islamiste en accueillant Ben Laden. La goutte qui a fait déborder la tasse. El-Bachir est rappelé à l'ordre après 2001, par Washington. Il s'exécute et se débarrasse de son encombrant mentor et allié Tourabi. Le Soudan tente de se débarrasser de son étiquette “d'Etat voyou”. Dans les années 2000, les temps ont changé : l'argent du pétrole coule à flots, Khartoum se hérisse de grues. En faisant la paix avec le Sud, le général devenu président espère la réhabilitation sur la scène internationale. C'est alors qu'éclate dans la région du Darfour, à l'Ouest, une nouvelle rébellion. Il applique les recettes expérimentées au Sud pendant plus de vingt ans. Et les pressions occidentales augmentent sur le régime de Khartoum jusqu'à l'entrée en jeu de la CPI. Le dos au mur, El-Bachir est obligé de se faire réélire s'il ne veut pas être livré aux juges internationaux. À la tête de l'Etat, il a bénéficie de la protection de ses pairs arabes de la Ligue et de l'Union africaine.