Retour à Oran. Trente ans déjà. Ou peut- être une éternité. Les belles du front de mer n'éclatent plus de ces sourires qui donnent plus d'éclat à ces bridges en argent ou, pour les plus fortunées, en or. Elles portent des fichus noirs en trimbalant une tristesse qui assombrit la mer. La rue d'Arzew où les multitudes s'entrechoquent donne cette impression d'un Gange asséché. Murs lépreux, trottoirs défoncés, Oran, la ville “minérale” de Camus, n'est plus qu'un brouet provincial où même la “kalantika” n'a plus la saveur d'antan. Le Cintra, bar mythique s'il en fût, avec ses tonneaux qui agençaient les idées et autour desquels s'organisaient les amours d'un instant, n'est plus que ce bouge sordide où l'employé de banque échafaude, en silence, des plans pour se faire la caisse. La Guinguette, plus loin et ses filles de joie. Joyeuses comme des colibris qui fraient au printemps les ronds de calamars en beignets, ce soleil qui guérit la tuberculose comme le recommandait Roblès à Camus, et maintenant cette apocalypse urbaine où Oran se meurt à l'image de son quartier emblématique, Sidi El-Houari, qui semble rendre son dernier souffle dans une indifférence quasi générale. Mais, pourtant, Oran, c'est le dynamisme économique le plus pétillant d'Algérie. En dehors de l'imposante zone industrielle d'Arzew, la pépinière de PME/PMI est impressionnante. Les hommes d'affaires, les industriels ambitieux et aimant leur ville ont essaimé la région oranaise d'entreprises d'une efficacité remarquable. Sonatrach, à tout seigneur, tout honneur, n'est pas en reste puisqu'elle a délocalisé d'Alger vers Oran ses principales activités dont celle dite de l'aval. L'entreprise nourricière et ces derniers temps caisse privée de quelques séides a engagé de lourds investissements comme dans la production d'engrais avec Orascom. Cependant, si partout ailleurs dans le monde, c'est l'économie qui tire vers le haut la ville, à Oran, assurément, ce serait, par un curieux paradoxe de l'histoire, le tourisme auquel incomberait cette titanesque tâche. Ville industrieuse et de farniente, Oran ne comptait au siècle dernier qu'un tissu hôtelier des plus rachitiques d'hôtels miteux et de hammams sordides. Il a fallu toute l'ingéniosité et la perspicacité d'un homme d'affaires, Cherif Athmane, pour construire deux unités “quatre étoiles” qui donnent à cette ville quelque tenue. Cela restait tragiquement insuffisant. C'est pourquoi l'Etat, à son tour, allait mettre la main à la poche pour construire cette épure qu'est le Sheraton. Un hôtel haut de gamme qui allait dominer la baie d'Oran avec de la hauteur et du verre fumé. Entre-temps, un homme averti s'est mis en tête de restaurer l'ancien hôtel Royal qui dépérissait à la même vitesse que le centre-ville où il trônait. M. Mehri en fit un joyau, sans doute le seul palace que compte ce si beau pays. Cet élan de doter Oran d'une infrastructure hôtelière haut de gamme suscitera d'autres initiatives. Et c'est ainsi que Sonatrach a décidé de financer le Centre des conventions d'Oran, confié à une multinationale espagnole OHL, rompue à ce genre de défis. Un ensemble architectural résolument moderne qui n'a pas sans doute son équivalent en Méditerranée. Un hôtel cinq étoiles avec la prestigieuse enseigne du Méridien, une salle de conférences de 3 000 places qui peut accueillir désormais tous les forums internationaux de haut niveau et surtout cet espace réservé aux expositions affilié à un groupement international qui organise toutes les expositions itinérantes et d'intérêt mondial à travers le monde. Cet espace sera le levier de la modernité pour Oran qui pourra désormais accrocher son wagon aux grandes capitales. En accueillant, en effet, ces expositions, Oran sera sur l'orbite des villes qui comptent. Elle drainera des touristes de haut niveau. Ce projet d'envergure, aux prestations de haut niveau qui devait être livré au bout de 4 ans, a été réalisé en un temps record de 22 mois. Pour cela, il a fallu que les équipes d'ouvriers travaillent en 3X8. OHL, qui a construit là un chef- d'œuvre architectural, livrera aux participants du Congrès du gaz du 16 avril un ensemble digne des pays qui font de la modernité un levier du développement. Oran est ainsi transformée par le tourisme. Déjà, l'aéroport est embelli et agrandi, les routes sont refaites, un plan de restructuration de la ville est engagé. Tout cela pour mettre en évidence le Centre des conventions qui est le fruit d'une formidable rencontre entre le savoir-faire d'un constructeur OHL et l'ambition d'une entreprise Sonatrach. C'est cela qui importe. C'est cela qui compte pour les Oranais, qui, dans leur irrépressible nostalgie, veulent retrouver leur ville d'antan. Souriante, belle, accueillante et formidablement ouverte sur le monde et les cultures voisines. Réduire aujourd'hui ce Centre des conventions à quelque mesquine magouille participe de cette manie nationale à vouloir détruire, en quelques traits de plume, ce que l'on a construit pendant des années. Les Oranais qui accueilleront dans le nouveau centre des Congrès quelque trois mille participants ne bouderont sûrement pas leur plaisir de voir leur ville se mettre à l'heure du monde.