Il est utile pour tout le monde -une fois l'événement terminé- de tirer les leçons du GNL 16. Il m'apparaît, ex post, que la gestion stratégique et médiatique de cet événement aurait pu être plus ciblée pour conforter en priorité les intérêts de la Sonatrach dans un contexte de marché international gazier perturbé. Pour faire la part des choses, voyons pourquoi et comment ? D'abord en matière stratégique, la position algérienne exprimée à la veille de la tenue du 10ième Forum des pays exportateurs de gaz (FPEG) consistant à réduire l'offre gazière mondiale, en réponse à la faiblesse des prix, n'avait aucune chance d'aboutir pour des raisons que nous avions expliquées dans ces mêmes colonnes. Prisonnier de cette position « dure », avant même l'ouverture des travaux, on pouvait difficilement faire la promotion des éléments invariants qui ont toujours fait le succès de la stratégie gazière algérienne. Il s'agit du respect de nos engagements contractuels vis-à-vis de nos clients et de la fiabilité de notre signature. Il faut rappeler par exemple que le segment algérien du gazoduc Petro Duran Farell (GPDF) vers l'Espagne avait été achevé au milieu de la décennie 90 -en plein apogée du terrorisme- avant le segment marocain. La seule fois où nous avons failli c'est lorsque nous avions, dans le début des années 80, annulé la réalisation du complexe du GNL3 d'Arzew qui devait couvrir les besoins contractuels de la Rhurgas en Allemagne. Nous payons encore à ce jour ce manquement à nos engagements contractuels par notre absence sur le segment le plus important du marché européen du gaz. Deuxième élément que nous enseigne les bonnes pratiques de la Sonatrach (best practices) en matière de négociations des prix du gaz : privilégier dans tous les cas la démarche de négociation bilatérale avec le binôme compagnie importatrice et son Etat national. L'expérience de la Sonatrach dans ce domaine est la plus longue et la plus riche de toutes les compagnies internationales gazières. Voyons quelques rappels historiques pour l'illustrer. D'abord dans les années 70 un premier litige sur les prix de GNL avait eu lieu avec l'Espagne à tel enseigne que l'Algérie a du réduire ses importations en provenance de ce pays pour obtenir un accord acceptable. Rappelons ensuite l'arrêt des livraisons de GNL au début des années 80, pour cause de faiblesse de prix, au client El Paso (Texas, USA). Cela avait obligé la Sonatrach à mettre « sous cocon » ses installations du GNL 1 d'Arzew jusqu'au moment où un compromis avait été trouvé entre les autorités algériennes et les autorités américaines. C'est à l'issue de cette période que l'Algérie avait pu obtenir que les contrats de long terme de gaz soient indexés sur les cours d'un panier de pétrole brut. Même chose avec les livraisons de GNL pour Gaz de France à partir de Skikda. Il a fallu attendre l'arrivée au pouvoir du président Mitterrand en 1981 pour trouver le compromis acceptable par tous, appelé « juste prix » par l'Algérie et « prix politique » par la France. Plus récemment vers la fin de la décennie 2010, la Sonatrach retrouve en Espagne les mêmes problèmes de prix du gaz et fait nouveau d'accès aux réseaux de distribution. Tout cela pour dire que la Sonatrach a connu des situations de crise plus aigues. Elle est donc suffisamment armée pour intégrer dans sa stratégie commerciale de court et moyen terme les turbulences que l'on observe sur le marché mondial du gaz naturel. Faisons lui confiance. Au plan médiatique la gestion de l'événement aurait pu être meilleure. A l'international la couverture par les médias n'a pas été suffisamment stimulée. Etant à l'étranger au moment du déroulement de la 16ième Conférence du GNL, je n'ai pas observé une couverture particulière par les médias européens importants de cet événement mondial. Au plan interne la Sonatrach aurait dû communiquer sur le fond ; elle s'est souvent contentée de parler de l'aspect infrastructurel et matériel. Ce qui a amené les médias nationaux à faire intervenir des personnes extérieures au secteur qui, à part trois ou quatre intervenants, ont plus parlé et écrit de façon émotionnelle que professionnelle, experte et ciblée. Une exception dans cette grisaille l'interview donnée le jeudi 22 avril par Ahmed Fettouhi, directeur de la planification et de la stratégie aval de la Sonatrach au journal « Le Temps ». De façon pédagogique et précise il y recadre avec sérénité les termes du débat sur la politique de commercialisation gazière actuelle et à venir. J'y relève pour conclure, en réponse aux menaces sur nos parts de marché en Europe, les anticipations de la Sonatrach, « sur les marchés japonais, chinois, pakistanais et indiens car il y une demande exprimée » et ce, « à hauteur de 20% du total des exportations de gaz ». Mais encore faut-il s'assurer au préalable de la disponibilité à court et moyen terme des infrastructures de réception (installations de regazéification et réseaux de transport par gazoducs). On aurait du par exemple proposer depuis longtemps aux Chinois cette option d'achat de GNL en contre partie des gros contrats d'infrastructures qu'ils ont obtenus et continuent d'obtenir en Algérie. On aurait pu également faire les mêmes propositions à l'Inde qui est un grand marché émergent de gaz du fait de ses besoins en ammoniac pour ses engrais ammoniacés et de ses besoins en produits gazochimiques. Mais comme on dit mieux vaut tard que jamais. M. M.