“Circulez, y a rien à voir !” La première impression qui vient à la pensée de tout visiteur qui foule Souk-Ahras est le calme apparent. Un état d'esprit authentique. Sur la route, comme dans les zones rurales qu'on a sillonnées, se dégage la ferveur d'une région où la fibre patriotique est de mise. Une éminence que s'approprie cette zone limitrophe à la frontière algéro-tunisienne. Là aussi, comme à Khenchela, l'activité criminelle ne connaît pas une lourde tendance. De la petite délinquance, de la moyenne contrebande et point de réseaux mafieux spécialisés dans le trafic de carburant et de produits alimentaires, les crimes et les délits enregistrés par le groupement de gendarmerie de Souk-Ahras renseignent de qui caractérise Souk-Ahras : la sérénité. “Au marché comme au marché”, Algériens et Tunisiens qui vivent des deux “rives” de la bande frontalière font leurs courses sans recourir à la contrebande. À Souk-Ahras, comme à El-Kef, on a l'impression que les citoyens des deux pays font des navettes routinières, en transitant légalement par les postes-frontières. Selon leurs besoins immédiats, ils s'approvisionnent et quittent mutuellement les deux territoires. Les fournitures se limitent aux courses quotidiennes, souvent hebdomadaires, sans avoir cette impression de voyager. Zen dans leur esprit, ils circulent sur cette bande frontalière plus qu'ils n'empruntent les routes nationales pour se ravitailler. À quelques rares exceptions, ce sont des produits tunisiens qui sont commercialisés dans la région, mais frauduleusement introduits à travers les brèches des denses maquis qui offrent, par ailleurs, une vue paronymique digne des reliefs suisses. Des reliefs qui rendent la tâche délicate aux contrebandiers dès que les seuls points d'accès sont placés sous haute surveillance. On témoignera que certains produits tunisiens inondent les étals à l'approche de chaque mois de Ramadhan. Des produits de niche qui épatent les jeûneurs comme le concentré de tomate, la harissa et halwa chamia. Mais point de trafic de pâtes alimentaires, comme durant les années précédentes, puisque le produit algérien est labellisé et de bonne qualité. Mieux, concurrentiel. Nos sources révèlent que les autres saisies font partie du lot des marchandises parvenues de Tunisie, à l'image de la pièce de rechange, des vêtements, de la friperie et des cartouches pour fusils de chasse. D'ailleurs, les gendarmes, qui ont traité 37 affaires de contrebande, ont réussi à récupérer sur les voies de communication, deuxième ceinture après les postes frontaliers, 3 motos, un camion de marque Berliet, 30 baudets, 1 257 pétards et 245 cartouches de calibre 16 et 12 pour fusils de chasse. Sur cet axe de trafic, seulement 9 043 litres de mazout et 240 autres litres d'essence ont été saisis, soit une moyenne quotidienne de 80 litres/jour de carburant, destiné à la contrebande. Des quantités qui n'arrivent pas aux zones frontalières, puisque les halabas n'ont pas droit de cité à Souk-Ahras. Bien plus, les Tunisiens s'approvisionnent légalement de combustibles en qualité de ressortissants qui pénètrent le territoire algérien via la frontière. En ce sens, nous explique-t-on, et au vu des quantités insignifiantes des articles et des produits saisis, les 15 personnes arrêtées ont toutes fait l'objet de citation directe devant les tribunaux avant d'être libérées, sous peine de payer une amende forfaitaire. La valeur des produits récupérés est estimée à 11 millions de DA. En revanche, les gendarmes ont traité 15 affaires inhérentes au mouvement des capitaux et interpellé 14 individus. Selon notre source, 5 700 euros, 480 dinars tunisiens et 195 dinars libyens ont été saisis. “Nous coopérons constamment avec la police nationale et les douanes. Nous faisons dans la complémentarité car la sécurité des personnes n'a pas de prix. Cette collaboration continue nos permet de resserrer l'étau sur les gangs qui sévissent tant en ville qu'en zones rurales", avoue le patron de la gendarmerie de Souk-Ahras. Al-Machrouha : la mauvaise “explication” contre les bonnes mœurs À Souk-Ahras, le port d'armes prohibées fait fureur. Ce sont 67 couteaux qui sont récupérés et 3 fusils de chasse lors des fouilles opérées sur des suspects. Le déploiement quotidien des éléments de la Section de sécurité et d'intervention (SSI) a permis de nettoyer les poches criminelles. Celles-ci sont toutes localisées dans la banlieue pour la simple raison : les gangs ne s'affichent jamais dans les douars et villages de Souk-Ahras où les traditions prohibent toute pratique malsaine. D'ailleurs, seules deux régions sont connues pour des crimes et des délits manifestes, à savoir Sedrata et Al-Machrouha. Si la première zone est réputée pour le trafic de stupéfiants destinés à la consommation – 14 kg saisis sur cet axe – la seconde, en revanche, constitue un véritable coupe-gorge et un lieu de prédilection par excellence. Ici même, un réseau de malfaiteurs, composé de 9 personnes, a été démantelé par les gendarmes. Les mis en cause ont violement passé à tabac deux personnes. Une rixe qui a causé mort d'homme et qui a marqué cette localité. Cela va sans dire que d'autres cas de coups et blessures volontaires (CBV) sont enregistrés à Souk-Ahras, y compris contre les ascendants. En outre, un important réseau de prostitution a été démantelé dans la même région. Sur les quatre mis en cause présentés devant la justice, deux fonctionnaires impliqués sont accusés de proxénétisme et création de lieu de débauche. La filière du lait s'attaque “vachement” aux génisses Ce qui inquiète, par ailleurs, c'est l'implication des mineurs. En effet, sur les 345 cas traités par les gendarmes, 17 personnes âgées de moins de 18 ans ont été appréhendées. Mais aussi 7 femmes et 8 étudiants. Sur près de 470 crimes, délits et contraventions constatées, lors des descentes quotidiennes des SSI et des opérations coup-de-poing du groupement de wilaya de Souk-Ahras, les atteintes aux personnes occupent la tête du sinistre “classement”, suivies des affaires liées au trafic et vol de monnaies (39), les atteintes à la sécurité et à l'ordre public (92) et contre les mœurs (9). Ceci dit, ce sont 46 consommateurs de kif traité et de psychotropes qui sont arrêtés. Aussi, nous révèle-t-on les 10 enquêtes sur le vol de cheptel sont, en grande majorité, liées au trafic du lait, surtout que les filières de contrebande de la laine sont inexistants dans ces localités. Le tempérament des zones rurales étant pour beaucoup de choses, le vol par confiance est monnaie courante (argent, bijoux et autres biens). Mais surtout les grandes rixes qui tournent au drame lors des saisons des labours et des moissons où les agriculteurs enfreignent les règles de bon voisinage. La précarité, le chômage et la déperdition scolaire expliquent un tant soit peu pourquoi la “petite Suisse” de l'extrême Est algérien connaît une activité criminelle au grand dam de la structure socio-familiale. Une activité fort heureusement en baisse qui renseigne sur le travail de proximité du groupement de Gendarmerie de Souk-Ahras et qui, avec les opérations frontales des gardes-frontières, ont fermé les vannes à la mafia du carburant et autres trafiquants. Véhicules : le réseau “Annaba – Tébessa – El Tarf” tombe à Oued El-Kebrit Et ce n'est pas fini ! Au grand carrefour menant vers Hammam Tassa, Oued El-Kebrit, la Tunisie et Merehna, 4 véhicules sont interceptés. Si rien n'a été signalé par la brigade cynophile après une fouille minutieuse, le chef de brigade de Oued El-Kebrit, aguerri au traitement des véhicules trafiqués finira par procéder au contrôle des numéros de châssis. La vérification effectuée, ces véhicules sont immobilisés aux fins d'enquête. Visiblement, ces voitures sont trafiquées. Le procédé est tellement flagrant que les gendarmes ont fini par démonter le stratagème des soudeurs et des “maquilleurs” de châssis. À peine la procédure entamée, 3 autres voitures sont également interceptées et immobilisées pour le même motif. “Il n'y a aucun doute, ces véhicules sont trafiqués. Il ne reste que la procédure légale qui veut que l'ingénieur des mines établisse son rapport pour leur mise en fourrière et la traduction des mis en cause devant la justice”, nous explique-t-on. Du coup, ce sont 7 voitures, dont des 505 et des R25, qui sont saisies dans le cadre de l'opération coup-de-poing menée par le groupement de Gendarmerie de Souk-Ahras. Et si ces moyens de locomotion sont généralement utilisés pour le trafic de carburant, notre source avouera qu'il s'agit d'un coup de filet qui pourrait permettre aux enquêteurs de remonter à la filière de l'extrême Est algérien, un réseau basé entre les wilayas de Annaba, Tébessa et El-Tarf. Cette toile d'araignée s'étend jusqu'aux wilayas de Msila, Sétif, Khenchela et Batna. La preuve, le même procédé est usité par cette mafia, à savoir récupérer des ailes entières de voitures réformées, et sur lesquelles est poinçonné le numéro de châssis, pour les souder avant de les maquiller. Cela, en sus d'un autre stratagème utilisé par les “artistes”, qui consiste à peindre carrément le numéro de châssis après l'avoir refait à froid. Cette saisie pourrait également avoir un lien avec l'enquête nationale sur les voitures réformées et recyclées pour les besoins d'un large trafic. Une affaire saillante qui s'ajoute à la belle moisson enregistrée lors de cette opération qui a vu la mobilisation de plus de 700 hommes. En effet, 2 autres véhicules et une motocyclette de grosse cylindrée seront saisis sur les autres axes routiers pour falsification du numéro de châssis et trafic de documents. Sur les 1 230 identifications de personnes et de véhicules, 4 personnes ont été arrêtées, dont 3 pour insoumission. Au plan des affaires de droit commun, 12 individus ont été appréhendés lors de la même opération pour outrage à fonctionnaire, port d'armes prohibées, ivresse manifeste sur la voie publique, profanation de cimetière et jets d'immondices. Au total, ce sont 38 personnes qui sont mis en cause dans les crimes et délits constatés en 24 heures. Fermant les vannes à la mafia du carburant, les gendarmes ont également saisi 68 jerrycans, 486 litres de mazout et 7 baudets utilisés pour acheminer les provisions via les denses maquis de Souk-Ahras, vers la Tunisie. Plus de 1 200 pièces archéologiques récupérées Depuis son installation, la cellule de protection du patrimoine culturel et archéologique relevant du groupement de Gendarmerie de Souk-Ahras, qui intervient par ailleurs dans cinq wilayas, mais qui concourt aux missions des 9 autres wilayas du 5e commandement régional de la GN, a récupéré plus de 1 200 pièces archéologiques et arrêté 60 individus mis en cause dans la contrebande et la commercialisation de ces objets aux valeurs inestimables. En plus des saisies opérées lors des fouilles, des enquêtes menées par les sections de recherches ont abouti au démantèlement de réseaux spécialisés dans le pillage et la vente de pièces de monnaie, de statues, de bijoux anciens et autres articles. Les affaires saillantes de l'année en cours ont été constatées notamment à Tébessa, Guelma et Souk-Ahras. Notre source révèle que 6 nouveaux sites archéologiques ont récemment été découverts à Babar, Sedrata, Tébessa, Guelma et Souk-Ahras. Les autres saisies ont également eu lieu, en 2009, à Hemadi Kroma (Skikda) et Guelma où pas moins de 875 pièces de toute nature ont été récupérées. Un travail colossal et quotidien que mènent les hommes en vert pour juguler ce phénomène qui profite à la mafia de ces objets rares et qui bradent nos traces aux enchères, aux mafias dans les salons européens.