La cérémonie de l'Algerian Start up Initiative (ASI) récompensant trois jeunes lauréats sur plus de 140 candidats pour le meilleur projet de création d'entreprise dans l'informatique me donne l'occasion de revenir sur une problématique majeure pour toute tentative de diversification de l'économie algérienne. Rappelons d'abord le contexte de mon propos avant d'examiner les enseignements de cet événement pour la problématique en question. Il y a plus de cinq ans on m'avait demandé de conduire, au sein du Conseil national économique et social (CNES) avec l'appui d'Abdelkader Djeflat, professeur à l'Université technologique de Lille, une première réflexion collective sur l'économie fondée sur la connaissance (EFC) appliquée à l'Algérie. Le fil rouge de l'exercice étant de relier cette démarche aux conditions d'émergence d'un nouveau modèle algérien de croissance diversifié s'appuyant essentiellement sur le capital humain, l'innovation et les nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC). Cette réflexion initiale a donné lieu plus tard, toujours au sein du CNES mais avec l'appui du World Bank Institute (WBI), à d'autres travaux de qualité sous la coordination du professeur Abdelmadjid Bouzidi avec l'objectif institutionnel de produire un rapport annuel. Cela étant fait, s'agissant des modèles EFC théoriques possibles et/ou souhaitables pour l'Algérie, il restait à trouver l'essentiel : des points d'appui opérationnels de nature à constituer des bonnes pratiques à généraliser. Après l'avis détaillé du CNES publié sur le Journal officiel relatif au projet du Gouvernement de développement numérique « E-Algérie 2013 », l'initiative ASI constitue réellement la première bonne pratique qu'il convient de relever. Voyons pourquoi et comment. Rappelons d'abord que les rapports cités sur l`EFC concluaient tous par six recommandations au moins: développer l'utilisation des NTIC, promouvoir dans un souci d'accumulation au sein des entreprises la fonction de management du savoir (knowledge management), créer des réseaux d`incubateurs et soutenir leur transformation en start-up, encourager le développement d`entreprises d`appui pour l`industrie y compris d'intelligence économique, orienter en priorité l`effort de promotion de l'esprit entrepreneurial vers des groupes ciblés tels que les jeunes et les femmes, et enfin construire des ponts entre la diaspora et l'Algérie. C`est précisément la mise en œuvre transversale de ces recommandations que l`on retrouve dans la démarche d`ASI et dans les projets sélectionnés. Voyons cela dans l`ordre indiqué plus haut. D'abord le concept de l'ASI porte bien sur le développement des NTIC et en priorité sur celles des industries du contenu (développement et gestion de logiciels, ingénierie et services informatiques). Ensuite, et à titre d'exemple, l'un des trois projets récompensés propose un logiciel de gestion médicale et hospitalière avec au cœur de la démarche le knowledge management comme outil de systématisation de l'activité des professionnels de la santé. Troisièmement, il s'agit bien aussi de contribuer au maillage en réseaux de start-up puisque les entreprises que vont créer les trois lauréats seront domiciliées, à titre gracieux, au sein de la technopole de Sidi Abdallah. Quatrièmement les trois gagnants sont de jeunes promoteurs dont deux jeunes femmes. Cinquièmement l'objectif recherché par l'ASI reste la promotion d'entreprises au service des entreprises industrielles en retard dans le domaine des softwares de gestion et d'exploitation car l'acquisition de hardware n'est pas en soi suffisante. Enfin le jury de sélection de l'ASI est majoritairement constitué d'entrepreneurs algériens dans les NTIC installés dans la Silicone Valley (Californie).J'ajouterai quand même deux mots à leur sujet. Ils font partie, pour une partie d'entre eux de ces jeunes bacheliers scientifiques avec mention envoyés au Etats- Unis dans les décennies 70 et 80 et même 90 avec des bourses publiques algériennes pour y faire des études. Deux ou trois décennies après, j'ai pu constater leur haut niveau d'attachement à l'Algérie. Ceci dit, il reste beaucoup à faire dans les autres domaines de l'EFC notamment dans la recherche universitaire mais pas seulement. Ainsi la récente installation des groupes de travail sectoriels portant sur les programmes nationaux de recherche est un pas de plus vers le rapprochement avec les besoins de recherche et d'innovation des entreprises. A ce sujet les bilans devront être tirés de l'expérience des incubateurs et start-up au sein de l'Université Mentouri de Constantine. Peut-être que ces derniers auraient eu plus de succès s'ils avaient été installés au sein des zones industrielles à proximité des entreprises, c'est-à-dire proches de leur marché. C'est pour cela que la territorialisation des activités de recherche et d'innovation dans les « pôles de développement intégrés » peut être porteuse d'externalités positives pour les grands groupes industriels mais aussi pour les PME qui pourraient se « syndicaliser » à cet effet. En conclusion, pour une fois qu'une bonne pratique est construite aussi rapidement par plusieurs institutions et acteurs algériens d‘ici et de l'étranger, je ne pouvais m'empêcher d'en parler. Pas seulement pour la mettre à l'honneur mais pour dire aussi qu'une hirondelle seule ne fait pas le printemps.