En s'éloignant de seulement quelques dizaines de mètres de la mosquée Ketchaoua et du brouhaha du marché très animé qui s'agite rituellement à ses pieds, on pénètre rapidement dans une autre ambiance. Entre les dédales de la basse Casbah, les sons se détachent progressivement, comme s'ils prenaient des ruelles différentes ; frottement de semelles sur les pavés, rebondissements frénétiques d'une charrette qui indiquent un chemin escarpé et un sol fissuré, percussion de ballon écrasée par les cris d'enfants et le tapotement tranquille et cadencé de la canne d'un vieux maestro semblent donner le la à la vie de cet antique quartier qui a l'air de vouloir encore faire son temps. C'est au milieu de ce décor subtil, lumineux sous un ciel limpide, que s'est retrouvée ce dimanche une bande de passionnés de la photo, plus exactement au Musée national des arts et traditions populaires, ce qui fut la somptueuse demeure appelée “Dar Khdawedj el Aamia”. Ils ont, pour la première fois de leur vie, exposé leurs photos à tirer sur papier photo. “C'est la première fois que je vois mes photos sur un papier”, nous dit Kamal Eddine, la trentaine, un des exposants qui vient de Blida. “En plus, selon la photo, il y a du papier mat et du papier glacé, l'effet est assuré”, s'extasie-t-il en examinant pour la énième fois le résultat. “Moi, je trouve qu'ils les ont bien encadrés”, ajoute Nabil Zedam, un appareil reflex dans une main et un autre en bandoulière, qui vient de Batna pour assister à cette exposition et rencontrer ses amis les “dzflickeristes”. Ils se font appeler les “dz flickrs” (en anglais), dz pour djazaïr, flickrs parce qu'ils font partie du grand site de partage de photos de Yahoo, flickr.com (se prononce flickère), qui contient plus de 4 milliards de photos et compte des millions d'utilisateurs. Sur le blog des dzflickrs (dzflickrs.wordpress.com), on nous explique que ce groupe a été créé “pour rassembler des Algériens et des amoureux de l'Algérie, qui partagent la passion de la photo” et, précision importante, “ce groupe respire la joie et la bonne humeur”. Pour Nabil Zedam, c'est un hasard amusant qui l'a amené jusqu'à cette cour du musée, entouré de ses photos et de ses amis, encore virtuels pour certains, avant ce jour-là. “Au début, j'étais seulement un mordu des téléphones portables. Un jour, j'avais remarqué sur le site internet de la marque qu'il y avait une carte du monde où les possesseurs du même modèle mettaient des photos de leur région avec l'appareil photo du téléphone, mais il n'y avait aucune photo pour l'Algérie. Pour en poster, il fallait créer un compte dans un site partenaire, en l'occurrence Flickr.com, et c'est comme ça, petit à petit, que je me suis retrouvé avec d'autres membres qui aiment poster des photos de et sur l'Algérie. Puis l'idée est venue de créer un dz flickr.” Aujourd'hui, le groupe des dzflickrs compte plus de 190 membres et plus de 1 800 photos, et c'est grâce à l'un de ses membres de Médéa, Fekhar Djamel, fondateur de l'association culturelle Errakim, que cette exposition et d'autres rencontres à la maison de la Culture de Médéa ont pu se concrétiser. Pour créer de l'animation “L'animation est toujours la bienvenue dans une exposition de photos”, nous déclare l'un des participants. Un concours entre les membres de dzflickrs a été organisé, un appareil photo en guise de premier prix, des livres sur la photographie, des comptes pro sur flickr.com (environs 20 dollars l'année, qu'un membre à l'étranger est chargé de payer avec sa carte bleue) pour l'encouragement, et surtout, du “beghrir” au miel et des “bradj” préparés pas les membres pour tout le monde. “C'est ça, avant tout, dzflickr, c'est l'idée du participatif qui règne, chacun fait quelque chose, apporte du sien et, finalement, avec peu de moyens, on arrive à créer des rencontres comme ça, avec une affiche, des cadeaux, un petit livret de présentation dans lequel on retrouve la participation de plusieurs membres et, bien sûr, des gens qui nous aident et nous font confiance, comme l'a merveilleusement fait la directrice du musée Mme A. Amamra, etc.”, nous raconte avec enthousiasme Ghizlane Zouaï, jeune professeur d'anglais à l'université de Blida, très active dans le groupe et l'association, avant de s'en aller, sémillante, visionner avec tout le groupe l'enregistrement du petit reportage sur l'expo, diffusé la veille sur l'ENTV.