Deux choses m'amènent à parler des « conditions d'attractivité » des investissements directs étrangers (IDE) et des partenariats en Algérie : les conclusions du rapport 2009 du réseau euro méditerranéen des agences de promotion des investissements (ANIMA) et la dernière décision du Conseil des ministres relative au programme 2010-2014 d'investissement public estimé à 286 milliards de dollars. Première chose : les conclusions du rapport ANIMA. L'élément fondamental que j'y relève c'est ce paradoxe qui fait que « l'Algérie a attiré plus de projets en 2009 qu'en 2008 en dépit de mesures contraignantes qui pouvaient laisser présager un ralentissement des IDE ».En comparaison les mêmes sources indiquent qu'en Tunisie le flux des IDE a régressé en 2009 du tiers (32,2% pour les onze premiers mois 2009). En revanche ce texte précise que la progression des investissements en Algérie sont « imputables quasi exclusivement » aux segments amont et aval du secteur des hydrocarbures. Mais le rapport ne donne pas d'explication sur les raisons de cette performance. Essayons de les identifier et on verra alors que le paradoxe en question ne l'est pas vraiment. Ainsi les raisons de cette performance sont dues, selon moi, à deux éléments principaux. Le premier est d‘ordre institutionnel.Il renvoie à la stabilité et la clarté du cadre juridique d'investissement et d'exploitation des hydrocarbures, obtenues avec difficulté, qui s‘appuie sur l'ordonnance 2006/10 du 29 juillet 2006 modifiant et complétant la loi 2005/07 du 28 avril 2005 relative aux hydrocarbures. Il s'agit bien d'un cadre particulier d'investissement sans rapport donc avec « les mesures contraignantes » qu'évoquait le rapport ANIMA. Le deuxième élément est d'ordre stratégique. Il s‘agit du risque calculé pris par la Sonatrach de maintenir, dès le début de la crise en 2008, la totalité de son programme d'investissement amont et aval. Il faut rappeler qu'à cette période la plupart des groupes pétroliers internationaux avaient considéré devoir annuler leurs projets de développement si le prix du baril de brut descendait au dessous de 50 dollars. La Sonatrach a, pour le moment, gagner son pari en effectuant ce choix puisque le baril s'est finalement stabilisé en 2009 dans une fourchette de 70 à 80 $le baril. Il reste cependant à savoir dans quelles conditions de valorisation les produits primaires (gaz naturel, condensats) et transformés (ammoniac, urée, éthylène etc.) provenant de ces investissements vont rencontrer à partir de 2010 le marché international. Quelques signaux venant d'Italie et d'Espagne, s'agissant d'investissements gaziers réalisés plus tôt, nous donnent déjà quelques raisons d'être inquiets. Mais attendons pour voir. Concernant à présent les IDE hors hydrocarbures, les attentes des investisseurs étrangers au sens propre et figuré sont dues, à l'écoute des milieux d'affaires intéressés, non pas fondamentalement à la majorité algérienne requise pour tout partenariat mais à l'incompréhension de la disposition sur les « excédents de la balance devises » que doit impliquer tout IDE. C'est cette appréhension légitime que le Règlement de la Banque d'Algérie «n° 2009-06 du 26 octobre 2009 portant balance devises relative aux investissements étrangers directs ou en partenariat», clarifiant les modalités d'application de l'alinéa 6 de l'article 58 de l'ordonnance n° 09-01 du 22 juillet 2009 portant loi des finances complémentaire pour 2009, a pour objet de lever. En vérité lorsque l'article 2 du Règlement en question met au crédit de la balance en devises du projet, au titre de rapatriement en devises, la « part de la production vendue sur le marché national en substitution aux importations » il ne subsiste qu'une seule obligation. C'est celle de présenter tout simplement un projet bénéficiaire encadré dès lors par les dispositions communes du Code de Commerce. Pour tout vous dire on a fait, encore une fois, compliqué là on l'on pouvait faire simple. Deuxième chose l'implication du programme 2010-2014 d'investissement public sur les investissements productifs de soutien. A titre d'illustration, on a déjà pris un retard considérable sur la couverture de nos besoins ciment. Ce n'est qu'en cette fin de semestre 2010 que le groupe industriel public des ciments d'Algérie (GICA) a bénéficié du Fonds national d'investissement (FNI) d'un crédit à long terme de 64 milliards DA alors que l'Etat met directement 116 milliards DA. La mesure d'efficacité de ce groupe serait pour ma part de couvrir à mi parcours du programme de développement, la demande de la branche BTPH en croissance à deux chiffres. A ce propos il y aurait même des projets de cimenteries du secteur privé qui tarderaient à être validées par les administrations concernées. En attendant j'ai appris que le groupe danois FLSmidth vient de signer un contrat de 174 millions d'euros avec la société tunisienne Carthage Cement pour la réalisation et l'exploitation d'une cimenterie de 2 millions de tonnes /an à Tunis. Cette cimenterie entrera en exploitation en 2012. On est en droit de se poser la question de savoir où en sera à cette date notre industrie du ciment? En conclusion la grande leçon de tout cela est que notre gouvernance économique aussi bien micro économique que macro économique n'intègre pas suffisamment le temps et le changement comme variables dans la prise de décision. Les décisions prises sont souvent décalées par rapport aux opportunités offertes et aux menaces décelées. Nous sommes un peu comme ces byzantins qui parlaient du sexe des anges alors que leur ville était assiégée.