Jeudi 3 juin, loin, très loin de la chaleur caniculaire d'Alger, Nuremberg grelotte par un froid de canard. Un ciel gris, une pluie fine et généreuse plante paradoxalement le décor d'un hiver persistant aux aurores pourtant de l'été. Ville fétiche de la Bavière rampant magistralement une immense futaie verdâtre, ce bourg gracieux est jalonné de petites maisons de campagne à l'architecture cohérente et majestueuse. Des arbres à perte de vue et des champs à profusion composent un paysage absolument sublimissime où l'on entend que le chant du rossignol tant le silence est ensorcelant. Ici la nature se décline en lettres d'or et le panorama s'écoute. Un décor paradisiaque qui justifie amplement le choix de la FAF pour y installer son quartier général le temps d'un dernier regroupement avant le grand saut pour l'Afrique du Sud. Quatre ans plus tôt, c'était l'Argentine qui y avait dressé son chapiteau. Les Verts y sont carrément choyés. À Herzog Hôtel, où la délégation de l'EN réside depuis dimanche dernier, les Algériens ne manquent de rien. Ce centre d'entraînement appartenant à la firme Puma, l'un des sponsors de l'EN pour le Mondial, mis à la disposition de la FAF pour ce dernier stage avant le Mondial, offre toutes les commodités pour une préparation idoine. Un grand terrain d'entraînement à la pelouse parfaite malgré la pluie incessante, des terrains de réplique, des stades omnisports et des salles de musculation à satiété sont mis à la disposition des Verts pour peaufiner une préparation quelque peu ratée en Suisse (Crans-Montana), de l'aveu même du coach Saâdane. Le calme qui y règne offre, en outre, un cadre adéquat pour une concentration maximale. Par cette journée pluvieuse donc, le staff technique a prévu deux séances d'entraînement ; la première a débuté à 11h30, plutôt légère, avec quelques exercices physiques sur le terrain principal et la seconde beaucoup plus technique aux environs de 18 heures, et qui a duré près de deux heures durant lesquelles les joueurs ont surtout disputé un match d'application, histoire de répéter, des consignes tactiques avec Ziani à la gestion du jeu. Que cela soit pour la séance du matin ou celle du soir, les entraînements sont suivis par un groupe assez conséquent de supporters d'Algériens venus des quatre coins d'Allemagne et d'Europe pour encourager les Verts. Des supporters algériens au Herzog Park promettent de remplir aujourd'hui le stade Dès le matin, les fans des Verts ont assiégé le Herzog Hôtel à la quête d'autographes et de photos souvenirs. Les entraînements des Verts sont suivis de loin, certes, par au moins une trentaine de fans qui n'ont pas hésité à braver la pluie et le froid pour venir voir évoluer les leurs. “Je suis venu de Vianden avec mon fils qui ne connaît pas tellement son pays d'origine pour voir les joueurs. Croyez-moi, la dernière fois que j'ai vu un match en Algérie, c'est en 1981, à Constantine, contre le Nigeria. Depuis, je n'ai plus revu les Verts. alors, aujourd'hui qu'ils sont en Allemagne, je ne vais pas les rater”, nous dira un Algérien établi en Allemagne depuis vingt ans, mais toujours aussi attaché à la patrie. “J'espère qu'ils vont connaître la même réussite que lors du Mondial-82, sinon mieux”, ajoutera-t-il. Quant à son fils, étudiant, il se dit algérien jusqu'à la moelle, “même si je suis né ici en Allemagne”. Pour lui, “cette équipe nationale est une sorte de lien spirituel avec le pays. Je ne sais pas ; je suis né en aimant cette équipe, c'est comme ça, cela n'a rien à voir avec ma terre natale”. Une autre dame venue de Nuremberg avec ses enfants, emmitouflée dans un voile discret, est toute contente de voir défiler devant elle les stars de l'EN. “Je suis un peu émue, j'ai l'habitude de les voir à la télé, et là ouled bladi sont devant moi, c'est notre fierté ces joueurs-là, il faut les encourager. Que dieu les garde et qu'ils nous honorent en Afrique du Sud”, prie-t-elle d'une voix d'où perce une émotion certaine. Elle assurera qu'elle sera là aujourd'hui au stade de Nuremberg pour les encourager contre les Emirats : “Je suis à la recherche des billets ; j'en ai commandés sur Internet, mais je n'ai rien reçu. Je vais devoir me rabattre sur le marché noir ; il va falloir casquer pour moi et mes enfants, mais bon, pour le bled, je le ferai avec plaisir.” Des billets entre 20 et 25 euros Un autre Algérien qui suivait la discussion lui dira qu'il connaît des compatriotes qui les revendent au marché noir à 20 et 25 euros le billet et qu'il essayera de lui en procurer avant samedi. Ce dernier nous informera du reste que 15 000 billets ont été mis en vente à l'intention des Algériens pour cette rencontre amicale : “Vous allez voir samedi, ça sera une belle fête ; les Algériens ont promis de remplir le stade de Nuremberg, exactement comme ce fut le cas à Dublin. J'espère juste que cette fois-ci, ils vont gagner pour partir en Afrique du Sud dans de bonnes conditions psychologiques.” Un autre Algérien s'est déplacé de Paris tôt dans la matinée avec son fils. “J'ai fait 800 km pour venir voir les joueurs et assister au match. C'est dommage que le match ne se déroule pas en France. Les Algériens auraient été très nombreux ; ils vénèrent leur équipe là-bas”, regrette-t-il. Et de révéler qu'il a fait rater l'école à son fils afin “de se faire signer des autographes par les joueurs. Je lui ai promis de le faire à sa place, mais il a pleuré toute la nuit en me suppliant de venir avec moi. J'ai dû céder, mais je suis aussi fier que mon fils soit si attaché à son pays d'origine même s'il est né en France.” Aux cris de “tahia el-djazaïar” à l'accent bien germanique, les Algériens d'Allemagne et leur progéniture créent une ambiance particulière. Les joueurs sont pris d'assaut. Un joueur aura signé à lui seul au moins une centaine d'autographes. Cela devient forcément lassant, surtout que le travail à l'entraînement est de plus en plus dur. Plus tard, les joueurs confieront que le poids des supporters devient de plus en plus encombrant, surtout qu'ils doivent préparer une Coupe du monde. Le service d'ordre autour de l'EN, dirigé par un commissaire principal dépêché d'Alger, fait ce qu'il peut mais les fans insistent tant qu'ils finissent par avoir le dernier mot. Les joueurs parviendront difficilement à rejoindre leurs chambres. Amusés, des Allemands s'invitent à la fête. Certains repartiront même avec des tuniques vertes. La “vertmania” a gagné l'Allemagne ; elle est décidément contagieuse. Vendredi 4 juin, le soleil fait son apparition sur la Bavière. Le décor est davantage superbe. Les Verts ont quartier libre le matin et entraînement le soir sur le terrain du stade à Futre. Les supporters sont là aux abords du Herzog Hôtel, guettant la moindre apparition des joueurs de l'EN. Aujourd'hui, Nurembreg prend les allures d'une ville carrément algérienne.