Il fait froid. Si froid que le silence a des mouvements cotonneux qui dépassent les lignes. Bandée de la tête aux pieds comme une momie d'Egypte, Oran grelotte de toutes ses vieilles pierres, de toutes ses lézardes, de toutes ses factures, de toutes ses ruines. Il y a plus de trous dans les laines que de chaussettes dans les baskets. Dans le halo glace de la brume, certaines silhouettes crapahutent dans la gadoue des chaussées sans état d'âme et d'autres sur les trottoirs écorchés et l'asphalte éculé d'un matin rapièce. Il fait gris dans une ville insipide qui a perdu ses couleurs. Il fait gris partout où le regard se pose, sur les caves inondées qui dégoulinent, sur les murs crasseux qui chuintent où même la mousse a pris racine, sur le bitume qui s'effrite faute d'entretien, sur les chiens des douars entrés par effraction dans une ville ouverte aux quatre vents qui errent sans laisse, sans maître, sans but, sans espoir. Il fait gris sur la foule anonyme et sans chaleur gris aussi, sur le ciel angoissé prêt à sangloter. Il fait gris sur les nuages et plus haut que les nuages. Il fait gris aussi loin que souffle le vent. MUSTAPHA MOHAMMEDI