Sans réaction aucune de la famille révolutionnaire, certaines publications continuent de faire dans l'approximation et de contribuer à la falsification de l'histoire, donnant même l'impression de régler de vieux comptes avec ceux qui n'ont jamais cru en un avenir de l'Algérie dans le cadre d'une union avec la France, les artisans de l'étincelle qui mit le feu, le 1er Novembre 1954 sous la direction du FLN, à toute la plaine. Mais là où le bât blesse douloureusement, c'est lorsque quelques planqués de l'histoire utilisent des martyrs de la cause nationale pour s'attaquer aux fondements mêmes du raffermissement du sentiment national, je veux parler de l'Islam et du rôle mobilisateur qu'il a joué dans l'émancipation plurielle de tout un peuple. Utilisant la mémoire du chahid Taleb Abderrahmane, à l'occasion de la commémoration de l'anniversaire de sa mort, certains esprits chagrins, allant vite en besogne, avaient soutenu que le défunt aurait invité l'imam qui venait lui lire la Fatiha d'aller plutôt prendre les armes pour libérer son pays. C'était le 24 février 1958, alors que l'imam dont il est question, cheikh Tahar Meziani, est tombé au champ d'honneur… le 4 juin 1957. Après un séjour incroyable à la morgue de Saint-Eugène, il ne sera enterré que huit jours après au cimetière d'El-Kettar à 10 heures du matin, sans que sa dépouille soit rendue à sa famille, à la faveur d'un quadrillage de La Casbah particulièrement sévère et d'une grève générale décrétée par les commerçants de la médina dont les magasins ont été saccagés par la soldatesque coloniale. Défenestré du 2e étage du Palais Klein, lieu sinistre particulièrement connu à La Casbah d'Alger, cheikh Tahar avait, sur instruction du FLN, succédé, en 1955, au muphti Baba Amer dans sa mission de diriger, à la prison de Serkadji, les prières du vendredi et des fêtes religieuses. Vénérablement respecté par les condamnés à mort — ils étaient nombreux à avoir suivi ses cours de langue nationale et de théologie dans son école de la rue des Frères-Racim à La Casbah —, il servait de trait d'union entre les révolutionnaires incarcérés et le FLN. C'était à lui d'ailleurs qu'échut l'insigne honneur et le privilège de lire la Fatiha à Fernand Yveton qui, dans une sorte de reconnaissance et d'appartenance au peuple algérien, son peuple, avait préféré rendre l'âme en tant que musulman que d'accepter le réconfort, comme proposé par ses bourreaux, d'un prêtre ou d'un rabbin. Merveilleux, les gestes de l'imam et du condamné à mort traduisent, bien loin des turpitudes des tenants de l'intégrisme religieux et/ou politique, le caractère sacré d'une Révolution qui a su mobilisé toutes les composantes de la nation algérienne, au-delà de leurs appartenances religieuses et politiques. Taleb Abderrahmane ne pouvait donc pas faire l'impasse sur la Fatiha, militant qu'il était du FLN dont il partageait les idées émancipatrices de progrès et ce merveilleux héritage qu'est l'Islam insurgé. Un Islam, du reste, brillamment porté par cheikh Tahar Meziani grâce à ses ancêtres Idrissides venus de Cadix l'Andalouse qui portait alors le nom des Banou-Meziani. A. M. [email protected]