La pratique militante de Mohamed Boudiaf, au Front de libération nationale comme au sein du Parti de la révolution socialiste, a toujours constitué pour moi une source intarissable. Y compris de nos jours, même si certaines forces du mal en ont décidé autrement, oubliant que la question “Où va l'Algérie ?” demeure sempiternellement d'une brûlante actualité. Au moment où notre merveilleux pays célèbre dans la fierté le 48e anniversaire de l'indépendance nationale, les Algériens se souviennent encore de l'immense espoir semé par cet homme dès son retour au bercail. Un homme qui a su réconcilier son peuple avec le nationalisme révolutionnaire éclaboussé par ceux-là mêmes qui ont tourné le dos au message fondateur du 1er Novembre 1954. Sans réaction aucune de la famille révolutionnaire, certaines publications continuent de donner dans l'approximation et de contribuer à la falsification de l'Histoire, donnant même l'impression de régler de vieux comptes avec ceux qui n'ont jamais cru en l'avenir de l'Algérie dans le cadre d'une “union avec la France”. Sont-ce ces raisons qui ont poussé, en novembre 1974, Mohamed Boudiaf à sortir de sa réserve pour vouer aux gémonies ceux-là mêmes qui ont écrit, et continuent de le faire, en déformant par intérêt ou par ignorance les faits, en attribuant à des gens des rôles qu'ils n'ont pas joués, idéalisant certaines situations, et passant d'autres sous silence, refaisant l'histoire après coup ? La réponse à un tel questionnement est aisée, surtout lorsque l'un des principaux artisans de la Révolution nationale faisait remarquer, non sans pertinence, que le résultat le plus clair de ces manipulations est d'entraîner une méconnaissance d'un passé pourtant récent chez les millions de jeunes Algériens qui n'ont pas vécu cette période et qui sont pourtant avides d'en connaître les moindres détails. Bien qu'orchestré, le retour de Mohamed Boudiaf a eu raison de tous les calculs. Bien que disparu physiquement, sa pensée et son modèle sont toujours vivaces tant ils rappellent aux bons souvenirs des forces du mal que l'heure du recouvrement de la dignité nationale a peut-être sonné. Ne serait-ce qu'à travers quelques signes envoyés tant par la jeunesse, au nom d'un attachement indéfectible aux couleurs et aux constantes nationales, que par la réorientation patriotique de l'économie nationale intervenue ces derniers temps. Pour autant, la dynamique culturelle semble être ridiculement réduite chez nous au statut d'une agence de spectacles. Il est temps d'envisager salutairement des mesures pratiques qui permettraient de donner une dimension culturelle aux projets de développement, de manière à contribuer au renforcement et à la promotion de l'identité nationale. Pendant qu'il est encore temps et pendant que les artisans de la Révolution et du recouvrement de la souveraineté nationales sont encore vie, que l'Algérie crée l'école dédiée à l'écriture de l'Histoire, comme annoncé par le président de la République, et qu'elle mette en scène à travers tout le pays des historiens aux pieds nus susceptibles de ravir aux discontinuités, d'immortaliser donc, des pans importants de la mémoire collective. Et c'est d'autant plus urgent que certains écrits, irrigués certainement par les nostalgiques de l'Algérie française, risquent de contribuer dangereusement à saper les fondements de l'unité nationale. À plus forte raison lorsque les héritiers de la caste coloniale française ont lancé une idée machiavélique, celle consistant à mettre sur pied une fondation française pour “apaiser” l'Histoire et regrouper, tenez-vous bien, les membres du FLN et de l'OAS… Suprême injure, s'il en est, à la mémoire de ceux qui sont tombés au champ d'honneur… A. M. [email protected]