Question récurrente depuis de nombreuses années, agitant souvent la conscience des dirigeants et celle des élites politiques face aux dangers de notre dépendance vis-à-vis de cette unique richesse que d'aucuns considèrent comme étant “les bijoux de la famille” et que, d'autres, en revanche, estiment que c'est une “malédiction” que Dieu nous a infligée ; l'après-pétrole hante les esprits et s'impose comme le passage obligé pour la survie de la nation. Les lignes sont-elles réellement en train de bouger ? Cette problématique, en vérité, a été sous-jacente au thème de l'entrepreneuriat traité par la 9e édition du symposium international organisé par le MDI Busines School les 30 et 31 mai 2010. “Quels enjeux pour l'innovation et la relance de la croissance économique en Algérie ?” Slogan révélateur, s'il en est, du faible niveau de performance de l'économie nationale ainsi que de la compétitivité de nos entreprises, cette thématique n'a pas été choisie au hasard. Plusieurs facteurs y ont probablement contribué. En premier lieu, le lancement du plan de développement économique et social 2010-2014 qui nécessitera, pour sa réalisation, la mobilisation d'une enveloppe financière de 286 milliards de dollars américains dont environ deux milliards qui seront consacrés à la promotion des PME et PMI. En second lieu, l'échec patent des “stratégies de développement” testées, notamment celle qui a misé sur les investissements directs étrangers (IDE) et dont l'impact demeure limité. En troisième lieu enfin, la nécessité de réhabiliter l'entreprise nationale créatrice de richesses, et la place “légitime” que devront accorder les pouvoirs publics à la promotion du secteur privé productif national ainsi qu'aux conditions de libération de l'initiative d'entreprendre. C'est donc dans ce climat économique général d'opportunité d'investissements, mais en même temps d'inquiétudes face aux évolutions et aux enjeux d'intérêts stratégiques au niveau international que les entrepreneurs algériens réfléchissent, s'interrogent et se concertent. D'autant que, pour des raisons objectives liées à l'histoire économique de notre pays, l'état demeure le principal investisseur à travers la dépense publique. Il faut, toutefois, admettre que des signaux forts sont, depuis quelque temps déjà, délivrés par les pouvoirs publics aux patrons privés (le principe de préférence aux entreprises nationales est clairement affiché par l'Exécutif) dont certains se sont imposés comme de véritables capitaines d'industrie, en développant des segments d'activités génératrices de valeur ajoutée et créatrices de milliers d'emplois. Ce qui parait remarquable et qu'il faut sans cesse souligner, c'est que ces grands groupes privés, parce que jouissant d'une autonomie d'entreprendre par rapport à la puissance publique, ont pu se positionner comme pionniers dans l'érection des technopôles, notamment dans des secteurs à haute technologie et à forte valeur ajoutée tels que l'électronique ou dans d'autres sphères comme l'agroalimentaire par exemple. Mieux encore, anticipant sur l'injection du savoir, de la recherche et de l'innovation, comme facteurs de stimulation de la productivité et d'amélioration de la performance des facteurs de production et de diminution des coûts, ils ont tissé des passerelles directes avec les universités et les centres de recherche en exploitant de façon rationnelle les avantages comparatifs que certaines régions du pays recèlent. Ils ont contribué, par là même, à la formation de nombreux ingénieurs et techniciens en leur permettant de tester leurs recherches en les confrontant à la réalité du terrain au niveau de leurs diverses unités de production. Ainsi, et après une dure et longue résistance à l'informel, à la concurrence déloyale et à l'ouverture débridée du marché aux importations de produits bas de gamme, ces récents fleurons de l'industrie nationale, en complémentarité avec un secteur public qu'il faut “dépoussiérer” par des actions de mise à niveau, sont annonciateurs de vraies prémices d'une économie hors hydrocarbures apte à se mesurer à la compétition que leur livre le marché international. Cependant, et il faut bien le dire, l'environnement objectif qui caractérise actuellement le fonctionnement de nos institutions financières, économiques et administratives est en net décalage par rapport au discours officiel. Dans ce contexte, le professeur Boualem Alliouat, coordinateur des travaux de la 9e édition du symposium rappelle que “l'Algérie est classée à la 148e place mondiale en termes d'indicateurs favorisant la création d'entreprises et à la 138e place pour ce qui concerne les indicateurs de facilités économiques et réglementaires”. Il s'agit d'autant d'obstacles à lever du côté des décideurs et à combattre du côté de l'entreprise en encrant dans la société, et notamment au sein de la jeunesse, une véritable culture de l'entreprenariat. C'est pourquoi il faut saluer la création de l'académie algérienne de l'entreprenariat décidée à l'issue de ce symposium et qui verra le jour en septembre prochain. En dépit des lacunes et des insuffisances constatées, de nature souvent objectives, mais aussi, dans de nombreux cas, dues aux blocages volontaires des partisans de la rente dont l'hostilité aux économies productives relève à la fois des réticences idéologiques et de l'attachement atavique au gain facile ; les lignes sont effectivement en train de bouger. Mourad Preure, expert des questions pétrolières, estime dans une interview accordée à un quotidien national que “le montant de 286 milliards de dollars est significatif et me semble en mesure d'enclencher un cercle vertueux qui déconnecterait, à terme, la croissance économique nationale des mouvements erratiques des marchés internationaux du pétrole et du gaz…. L'intérêt du projet gouvernemental est qu'il fait une place aux entreprises, qu'il pose en termes clairs le principe de la préférence nationale… Les sommes en jeu peuvent effectivement donner une réalité concrète au patriotisme économique si elles se traduisent par une impulsion décisive des entreprises, si elles créent les conditions d'un véritable partenariat public-privé”. Une telle appréciation, largement partagée par de nombreux autres observateurs et experts des questions économiques, augure d'une nouvelle ère, qui, souhaitons-le, mettra l'Algérie à l'abri de la dépendance rentière.